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Chômage: "On ne parle pas des impacts sur la santé", regrette un psychiatre

Le psychiatre Michel Debout, invité de Jean-Jacques Bourdin ce mercredi, réclame la mise en place d'une médecine préventive pour les chômeurs avec des consultations médicales régulières.

Il y avait fin décembre en France 3.496.400 demandeurs d'emploi. Un chiffre historique, publié mardi, qui clôt une année 2014 terrible sur le front de l'emploi avec une hausse du chômage de 5,7% en un an. Mais derrière ces statistiques, il y a des hommes et des femmes. Une population qui fait face à des risques sanitaires plus importants que celle des actifs, selon le psychiatre Michel Debout, qui vient de publier Le traumatisme du chômage (éditions de l’atelier): soucis financiers, difficultés morales, confrontation à un système débordé, pression, stigmatisation, problèmes d'accès aux soins.

"Le moment où l'on perd son emploi est le plus terrible"

Un traumatisme dont on ne parle pas assez selon lui. "Les chômeurs, ce sont des millions de personnes qui vivent chacune un problème et des effets sur leur santé dont on ne parle pas", regrette Michel Debout, invité ce mercredi de Jean-Jacques Bourdin. "On se dit que le chômage est une période de la vie, que c'est devenu presque normal. Mais le moment où l'on perd son emploi est le plus terrible, c'est une période traumatique. On a l'impression que l'avenir s'arrête. Il y a l'anxiété, la perte de sommeil, d'appétit. Et les problèmes d'addiction, alcool, tabac, médicaments… On est victime mais on culpabilise". Le psychiatre rappelle que certains peuvent "plonger dans la dépression qui peut même aller jusqu'au suicide. C'est un vrai problème de santé publique".

"Bien sûr qu'on nous met de côté. On se sent seul"

Ce sentiment d'être mis de côté, la santé qui se détériore, c'est une réalité pour Rachida 57 ans. Cette assistante maternelle, maman de deux enfants, est au chômage depuis 2 ans. "Bien sûr qu'on nous met de côté. On se sent seul", raconte-t-elle à RMC. Pour elle, le travail c'est la santé, en perdant l'un elle a perdu l'autre : dépression, problème de dents. Et avec la CMU (Couverture maladie universelle), elle a du mal à se faire soigner. "J'avais pris rendez-vous chez un orthodontiste, mais quand je lui ai expliqué que j'avais la CMU elle l'a très mal pris, raconte-t-elle. A chaque fois que j'appelle pour un rendez-vous chez un médecin il faut que j'explique que j'ai la CMU. Ce n'est pas normal, on n'a pas les mêmes soins quand on est chômeur".

"Si les chômeurs vont mieux ils retrouveront plus facilement un travail"

C'est pourquoi Michel Debout propose la mise en place d’une médecine préventive des chômeurs, avec une première consultation médicale "dans les deux à trois mois qui suivent la perte d'emploi", puis un deuxième rendez-vous "à six mois" pour les chômeurs dont l'état risque de se dégrader ou "après un an de chômage" pour les autres. "La santé n'est pas une charge, c'est un investissement", estime le psychiatre. "En France on n'a pas la culture de la prévention", regrette-t-il, rappelant que "si les gens vont mieux ils seront plus productifs, si les chômeurs vont mieux ils retrouveront plus facilement un travail. Il vaut mieux la prévention que dépenser pour des soins".

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P. Gril avec P. Baduel et JJ. Bourdin