Dans le Pas-de-Calais, Mélenchon fait plus peur au PS qu'au FN

Le Parti Pris d'Hervé Gattegno, du lundi au vendredi à 8h20 sur RMC. - -
Jean-Luc Mélenchon a l’art de la mise en scène. Il a déjà réussi à faire croire qu’il part combattre Marine Le Pen comme un chevalier débusquant le dragon jusque dans sa tanière. La réalité est différente : c’est vrai que Marine Le Pen a eu 30% des voix dans cette circonscription le 22 avril, mais la gauche y est nettement majoritaire – François Hollande y a réuni 60% des suffrages au 2d tour, le député sortant est un socialiste et le candidat PS part a priori favori. C’est en sachant cela qu’il faut analyser l’opération commando de Jean-Luc Mélenchon. Pour battre Marine Le Pen, il doit d’abord devancer le candidat du PS. Donc le « combat homérique » qu’il annonce, c’est surtout une lutte d’influence contre les socialistes.
Est-ce qu’il ne peut pas chercher à obtenir le retrait du candidat socialiste à son profit ?
C’est peu probable – Martine Aubry l’a dit, le PS maintient son candidat. Mais si Mélenchon arrivait à le devancer, le bénéfice politique serait encore plus grand. Son idée, qu’il défendait déjà à la présidentielle, c’est de montrer que lui seul, à gauche, répond au désarroi de l’électorat populaire tenté par le vote Le Pen. Ça n’a pas entièrement marché : il a plus bénéficié d’un vote « bobo » que d’un vote « prolo ». Mais dans ce fief ouvrier, il a réuni 15% des voix. C’est mieux que son score national ; mais ça lui laisse un gros handicap à combler – donc on ne peut pas nier qu’il prenne un risque. Derrière tout cela, il y a surtout un fantasme, qu’il énonce souvent à voix haute : celui d’un affrontement politique qui se réduirait au choc d’une droite nationaliste contre une gauche radicale ; « ça se jouera entre eux et nous ». Mélenchon va faire comme si c’était déjà le cas. Son idée est d’en appeler à un vote utile (en sa faveur) et d’obliger le PS à jouer… les utilités.
Ce « parachutage » à un mois de l’élection peut-il se retourner contre lui ?
C’est un cas particulier. Marine Le Pen n’a pas beaucoup plus d’enracinement local – elle a même démissionné du conseil municipal juste après avoir été élue, en 2011. Et les communistes du crû ont voté massivement pour l’investiture de JL Mélenchon. Il faut dire aussi que c’est une région où la gauche n’est pas rouge, mais pas blanc-bleu non plus: le maire PS d’Hénin-Beaumont est allé en prison, la fédération socialiste est engluée dans les affaires. Au passage, Mélenchon a été tenté de se présenter dans les Bouches-du-Rhône, où le PS connaît aussi des scandales ; ce n’est sûrement pas le hasard… S’il veut se battre là où la gauche a pris des coups au moral – et à la morale – c’est logique qu’il atterrisse dans le Pas-Calais : c’est le pays natal de Robespierre. Peut-être qu’il espère y faire rouler d’autres têtes que celle de Marine Le Pen.
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