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De la drogue à l'argent: comment sont rémunérés les indics de la police

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C'est un témoignage rare sur une relation indispensable à la résolution d'affaires par les policiers. Gilles Guillotin, ancien numéro 2 de la police judiciaire de Grenoble est venu ce jeudi chez Jean-Jacques Bourdin, présenter son livre 33 ans flic pour rien (à paraître aux éditions Temporis), dans lequel il évoque ses relations avec les indics.

Comment recrute-t-on un indic ?

"C'est l'indic qui nous recrute au départ. Il a besoin du policier quand il passe par la case prison, et qu'il a besoin par exemple d'un permis de visite, d'un changement de maison d'arrêt. Il nous contacte à ce moment-là. Ce détenu m'envoie quelqu'un, souvent de sa famille. Et j'espère que quand il sortira il y aura un petit coup de pouce de sa part".

Sont-ils récompensés? Par de la drogue? De l'argent?

"De la drogue, ça s'est fait. Moi je ne l'ai pas fait, mais je l'ai vu faire. A l'époque on ne donnait pas directement de la drogue, mais c'est l'indic qui prélevait avant l'intervention de la police une partie de la marchandise. Et la police fermait les yeux".

"Mais depuis 2004, ça ne se fait plus puisqu'il y a des rémunérations officielles qui sont mises en place. On leur donne de l'argent en liquide, en fonction de leur investissement, de la qualité du renseignement et du résultat. Vous n'allez pas donner la même chose pour 5 kilos de cannabis que pour deux tonnes de cocaïne".

Devient-on ami avec son indic ?

"Non, vous ne pouvez pas devenir ami. Un bon indic, c'est sur la durée, donc il y a des relations qui s'établissent sur des années, alors forcément il y a de l'affectif. Mais ce sont des relations particulières. Quand je croise un indic, on ne se salue pas, il faut rester discret. On ne peut pas aller au resto ensemble, il ne peut pas venir chez moi ou moi chez lui. Il faut tout savoir sur lui, tout le temps, pour anticiper les problèmes qu'il peut rencontrer, notamment au niveau de sa vie personnelle".

Gilles Guillotin a été renvoyé en correctionnelle dans l'affaire Neyret, dont le procès s'ouvre début mai. Il lui est reproché d'avoir détourné plusieurs kilos de cannabis placés sous scellés pour rémunérer un informateur.

A-t-il détourné du cannabis pour un informateur?

"L'IGS (Inspection générale des services, la police des polices) s'est contentée de sa vérité, et elle est fausse. Cela aurait été trop dangereux de rémunérer un indic avec cette drogue. Il y a des écoutes téléphoniques entre Neyret et moi. On était sollicités par Neyret et à force d'être sollicités, on a fini par lui laisser croire qu'on le ferait. Neyret a connu la façon de fonctionner d'avant 2004".

Est-ce difficile de garder ses distances avec le milieu?

"C'est une philosophie. On a besoin des indics, ils ont besoin de nous, mais il y a des limites à ne pas franchir. Après, c'est du devoir du milieu d'essayer de corrompre des policiers, ce serait une faute professionnelle de leur part de ne pas tenter".