De plus en plus d'allergiques, mais de moins en moins d'allergologues?

Selon l'OMS, une personne sur deux sera allergique dans le monde en 2050. - Philippe Huguen - AFP
C'est une décision qui a de quoi leur donner de l'urticaire. Les allergologues français ont appris lundi que l'État ne reconnaissait pas leur pratique comme une spécialité médicale à part entière, comme le sont les dermatologues ou les cardiologues par exemple. Cela fait des années que les 1.200 allergologues, exerçant en libéral, bataillent pour que leur travail soit reconnu comme une spécialité, comme c'est le cas dans 15 pays de l'Union européenne.
Avec la reconnaissance de la spécialité, les futurs allergologues auraient bénéficié de quatre ans d'études consacrées à l'allergologie, après les sept années de formation "initiale" comme généraliste. Aujourd'hui, la formation prend deux ou trois ans au bout desquels un certificat est délivré. Résultat, peu de candidats se tournent vers l'allergologie, lui préférant d'autres spécialités reconnues.
"Il est possible que l'allergologie disparaisse dans 15 ans"
Ce qui fait dire à Isabelle Bossé, présidente du syndicat français des allergologues, que sa profession "est en voie de disparition". "La moyenne d'âge des allergologues libéraux est de 56 ans, et il y a eu peu d'allergologues formés ces dernières années, beaucoup moins en tout cas qu'il y a 30 ans. Il est possible que l'allergologie disparaisse en tant que telle dans 15 ans". Impensable, selon elle, alors que "les allergologues rendent service à des millions de patients, et qu'à l'heure actuelle, les délais de rendez-vous s'allongent et qu'il faut de 3 à 6 mois pour obtenir un rendez-vous".
"Une personne sur deux sera allergique dans le monde en 2050"
Car il y a "de plus en plus d'allergiques", rappelle Madeleine Epstein, membre du syndicat français des allergologues. On estime en effet que 20 millions de Français sont victimes d’allergies, soit un sur trois. Et selon l'OMS (Organisation mondiale de la Santé), une personne sur deux sera allergique dans le monde en 2050. "On a de plus en plus besoin d'allergologues et s'il n'y a pas de spécialité, nous n'aurons plus de services d'allergologies, et nous n'aurons plus d'enseignement ni de recherches en allergologie, anticipe Madeleine Epstein. A la fin c'est le patient qui va en souffrir dans sa prise en charge. Il y a des gens qui ont de l'eczéma, de l'urticaire, de l'asthme… S'ils ne sont pas soignés par un allergologue, ils vont être obligés d'aller voir un pneumologue, un ORL, un dermato… c'est beaucoup plus lourd que d'aller voir une seule personne".
Isabelle Bossé, la présidente du syndicat français des allergologues, dénonce d'ailleurs le lobbying d’autres spécialistes dans cette décision.