Déchéance de nationalité constitutionnalisée: "ce truc ne sert à rien" fustige Pierre Lellouche

Les députés ont voté mardi soir à une courte majorité l'article qui inscrit la déchéance de nationalité dans la Constitution, mais la contestation contre cette mesure très controversée ne faiblit pas. Pierre Lellouche, député des Républicains de Paris, était l'invité ce mercredi de RMC. Face à Jean-Jacques Bourdin, il a expliqué pourquoi il avait voté contre ce texte.
"Ça ne sert à rien, tout simplement", a-t-il fustigé. "On a réinventé la roue, la déchéance de nationalité existe déjà dans notre droit, depuis la Révolution. Elle est codifiée depuis la 2ne guerre mondiale. Cela fait 100 ans qu'on a les mêmes règles Si on veut être utile au pays en période où on est attaqué, il suffit d'appliquer le code civil. Les doubles nationaux peuvent être déchus et surtout les gens qui se battent en ce moment en Syrie. Il y a un article le 23-8 qui permet, sur injonction du gouvernement, de déchoir les combattants de l'Etat islamique, et de les empêcher de rentrer en France."
"Je n'ai pas rencontré un juriste de droite ou de gauche, qui est d'accord avec ce qui est en train d'être fait", a-t-il renchéri. "On n'a pas besoin d'inscrire la loi d'état d'urgence dans la constitution. Quant à la déchéance, elle ne sert rigoureusement à rien, en terme dissuasif. Le seul intérêt qu'il y a, c'est d'empêcher les gens qui se battent de revenir en France, car ils sont dangereux. Mais ceux-là, on pourrait le déchoir tout de suite. Mais cela va devenir impossible. C'est le juge judiciaire qui va pouvoir prononcer, il y aura possibilité d'appel. Et puis, pour les crimes précédents, naturellement, vous ne pourrez pas faire de lois rétroactives. Sans compter que l'on va fabriquer des apatrides" regrette l'ancien secrétaire d'Etat chargé des Affaires européennes.
"Le job c'est de protéger les Français"
Interrogé sur le fait que Nicolas Sarkozy se soit déclaré favorable à cette mesure, Pierre Lellouche a répondu qu'il ne se prononcerait pas sur l'avis du patron des Républicains, par pudeur politique. "François Hollande, lui, a voulu faire un coup politique, a-t-il poursuivi. "Après les attentats du 13, il a fallu un signal au peuple, ce signal c'est la réforme constitutionnelle. Ce dont on a besoin, c'est remettre de l'ordre dans nos services de renseignements, donner des moyens aux militaires. Le job c'est de protéger les Français. On ne les protège pas avec des symboles mais avec des décisions.
Selon lui, "le gouvernement doit remettre de l'ordre. L'an dernier, il y a eu 1.8 millions de personnes qui sont rentrés en Europe sans papiers. Le trafic des migrants risque d'être pris en main par les gens de Daech. On a un problème monumental de sécurité. Les vrais sujets sont devant nous, il a y a urgence de travailler sur des mesures fortes. La première d'entre elle aurait pu être de déchoir ceux qui sont en Syrie."
Concernant l'absentéisme des députés lors de ce vote (76 % des députés étaient n'étaient pas présents dans l’hémicycle), le parlementaire a déclaré ne pas vouloir "donner des leçons de morale. Les députés ont chacun leurs spécialités. Il y a des textes où je ne vais pas, car je ne suis pas spécialiste." avant de conclure : "C'est un enfumage. Les Français ont parfaitement compris que ce truc ne sert à rien, il suffit d'appliquer le droit existant. Hollande a voulu se présenter comme le père de la nation avec un texte qui était censé rallier tout le monde, mais qui ne rallie pas grande monde, y compris dans son propre camp."