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Don de sperme: le conseil d'Etat va-t-il lever l'anonymat des donneurs?

Depuis 1973, près de 70.000 enfants sont nés grâce à des donneurs (photo d'illustration).

Depuis 1973, près de 70.000 enfants sont nés grâce à des donneurs (photo d'illustration). - Gérard Malie - AFP

Le Conseil d'État examine à partir de ce mercredi la demande d'une femme de 35 ans, née après un don de sperme, qui souhaite la levée de l'anonymat pour les donneurs afin de connaître son géniteur. La loi française empêche de divulguer toute information sur les donneurs. Audrey Kermalvezen a confié ses motivations à RMC.

L'anonymat des donneurs de spermes va-t-il être levé ? Le Conseil d'État examine ce mercredi 21 octobre la demande d'Audrey Kermalvezen, une avocate de 35 ans. Son père biologique est un donneur de spermatozoïdes. Ses parents lui ont appris son mode de conception en 2009, mais ils n'ont aucune information sur ce donneur. Elle a voulu en savoir plus sur son père biologique, mais elle essuie les refus de toutes les juridictions. La loi française empêche en effet de divulguer toute information sur les donneurs. Depuis 1973 et la création des banques de spermes, on estime à près de 70.000 enfants sont nés grâce à des donneurs, mais seulement 8% d'entre eux savent qu'ils ont bénéficié d'un don de sperme ou d'ovocyte.

"Je ne cherche pas un père, mais savoir d'où je viens"

Audrey Kermalvezen (son nom d'emprunt, NDR), invoque, elle, le droit européen qui permet d'obtenir des informations sur ses origines. Elle demande donc au Conseil d'État de reconnaître que la loi française n'est pas conforme à la Convention Européenne des Droits de l'Homme. Son combat, Audrey Kermalvezen, l'a débuté en 2009, comme elle l'a confié à RMC. Lorsque sa mère, lève enfin le secret: son père qui l'a élevé est stérile. Elle et son frère, sont nés grâce à un donneur de sperme. L'avocate est touchée, se sent trahie. Depuis elle tente d'identifier son père biologique. Mais elle l'assure: "Ce n'est pas du tout une quête affective. Je ne cherche pas un père. Il n'est pas question que j'aille taper à sa porte en disant 'bonjour papa'. Je demande juste à savoir d'où je viens, à qui je dois la vie, parce que le donneur fait partie de moi".

"Risque de consanguinité"

Pour l'instant, le refus de la justice de lui donner la moindre information laisse ses questions sans réponses. "J'ai besoin de savoir si mon frère et moi avons le même géniteur, savoir aussi quels sont ses antécédents médicaux. Il serait ainsi important que je sache, pour moi et mes enfants, si depuis le don il a eu des maladies graves".

Et puis la question de la consanguinité se pose, aussi. Car son mari est lui aussi né d'un don de sperme. Mais là encore, la justice reste muette. "Nous avons pris le risque d'avoir un enfant dans ces conditions. Mais on aimerait que la justice française nous permette officiellement d'avoir la certitude que nous ne sommes pas issus du même géniteur".

Son combat malgré tout, elle le mènera jusqu'au bout, jusqu'à la Cour européenne des droits de l'homme s'il le faut.

"L'anonymat favorise le don"

Si la quête d'Audrey Kermalvezen est légitime, pour Nathalie Rives, médecin au CHU de Rouen et présidente des fédérations des CECOS (Centres d'études et de conservation des œufs et du Sperme), l'anonymat est essentiel pour les donneurs. "Quand on interroge les donneurs ou les donneuses, à près de 80% ils nous disent que l'anonymat favorise leur démarche de candidature au don. A l'inverse, supprimer l'anonymat pourrait ralentir ou empêcher certains à aller jusqu'au bout de leur démarche".

Audrey Kermalvezen, elle, se voit déjà avoir gain de cause. Que ferait-elle alors si elle en savait plus sur son père biologique ? "Peut-être que j'entrerais en contact avec lui par écrit ou par téléphone. Pour faire connaissance déjà, voir qui il est. Et ensuite éventuellement lui demander de me transmettre une photo, pour pouvoir me le représenter". Son espoir repose sur une décision de la Cour européenne des droits de l'homme. En 1992, dans une autre affaire, la CEDH avait reconnu que le requérant avait un intérêt vital de connaître la vérité.

Philippe Gril avec Thomas Chupin