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Durcissement des règles d'implantation des éoliennes: "Une mesure dangereuse pour la filière"

Le Sénat a voté un amendement imposant l'accord de l'architecte des Bâtiments de France pour installer une éolienne à moins de 10 km d'un monument historique. (Photo d'illustration)

Le Sénat a voté un amendement imposant l'accord de l'architecte des Bâtiments de France pour installer une éolienne à moins de 10 km d'un monument historique. (Photo d'illustration) - Olivier Titard - Flickr - CC

REPORTAGE - Un amendement du Sénat prévoit un durcissement des règles d'implantation des éoliennes en France, au grand regret d'une filière en pleine expansion. Comment cette mesure, qui n'a pas encore été adoptée par les députés, est-elle accueillie sur le terrain? RMC s'est rendue entre Carcassonne et Lézignan-Corbières, dans l'Aude.

L’éolien a peut-être du plomb dans l’aile. Le Sénat vient de voter un amendement qui pourrait freiner une filière en pleine expansion. La semaine dernière, les sénateurs ont décidé qu’il n’y aurait "pas de pylônes à moins de dix kilomètres d’un monument historique sans l’accord des Bâtiments de France". Pour que la mesure soit effective, il faudra qu’ils soient suivis par les députés.

En attendant, cette annonce fait parler. Les professionnels de la filière crient déjà au scandale, alors que sur le terrain, les riverains, qui sont les premiers concernés et souvent opposés à la prolifération des parcs éoliens, restent encore très prudents.

"Les éoliennes sont en vision directe du château"

RMC s'est rendue entre Carcassonne et Lézignan-Corbières, dans l'Aude. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que là-bas, la mesure divise. Philippe Gouze est le propriétaire du château de Puicheric, une bâtisse qui date du XXIe siècle avec vue imprenable sur les Corbières, mais aussi… sur des éoliennes.

"Les éoliennes sont à 6,5 km, en vision directe du château", indique-t-il. "Ce sont les quatre qu'on voit derrière".

Des éoliennes à plus de dix kilomètres d’un monument historique, Philippe Gouze y est favorable:

"Les Bâtiments de France auront leur mot à dire", espère-t-il. "Ils protestent systématiquement puisque c'est inscrit qu'il ne doit pas y avoir de co-visibilité entre un monument historique et les éoliennes. Dans les faits, c'est jamais respecté".

"Comment créer de l'emploi?"

L’amendement voté par les sénateurs inquiète la filière de l’éolien. Sonia Lioret, délégué générale de France Energie Eolienne, ne dit pas le contraire.

"Cette mesure, adoptée par les sénateurs, est extrêmement dangereuse pour la filière", s'alarme-t-elle. "Et c'est vrai qu'on a eu un sentiment d'incrédulité et de surprise".

Une mesure qui pourrait, selon elle, avoir des répercussions en termes d'emploi.

"Comment est-ce que nous, en tant que professionnels, en tant qu'entreprises, on peut, de façon sereine, investir, créer de l'emploi, quand on voit qu'on peut avoir des mesures comme ça?", s'interroge-t-elle. "C'est vrai que c'est extrêmement inquiétant pour les professionnels que nous sommes. C'est aberrant". 

"Un lobby industriel très puissant"

Régis Cogranne, l’un des principaux opposants à l’éolien dans les bassins du Minervois et des Corbières, veut rester prudent, tant que les députés n’ont pas fait leur choix. Il croit connaître leur réponse.

"Je ne pense pas que les députés vont suivre", s'inquiète-t-il. "Ils n'ont jamais suivi, dans ce sens-là. Ce redoutable lobby des énergies renouvelables, qui nous dit qu'il sauve le monde, alors qu'en fait c'est un lobby industriel très puissant, qui aligne ses machines comme des chevaux à la parade. C'est très impressionnant cent machines, la nuit, qui clignotent, rouges, coordonnées. Il n'y a rien qui éclaire plus fort que cela en France, même à côté d'un aéroport. Ça n'existe pas, je ne l'ai jamais vu, même à Roissy. C'est invivable. Maintenant, on vit dans une espèce de zone industrielle".

Dans le Minervois et les Corbières, plusieurs dizaines de projets de parcs éoliens sont dans les tiroirs. Dans les prochains mois, tout le monde va scruter avec attention le vote des députés.

C. P. avec Jean-Wilfrid Forquès