Prix de l'eau: "On dit aux gens de faire un effort puis qu'il va falloir compenser, c'est incompréhensible"

Alors que la consommation d'eau a baissé de 3% à 4% en 2023 en France, son prix devrait augmenter. Et c'est justement en partie à cause de débits moins importants que la facture devrait grimper, liée à la nécessité d'entretenir un réseau vieillissant. Un "double discours incompréhensible" qui illustre la "méconnaissance" sur l'utilisation et le prix de cette ressource, estime sur RMC le spécialiste de l'eau Alexandre Mayol.

La Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) a estimé, jeudi, que les coûts de l'eau vont augmenter de "30 à 50% d'ici 2030-2035", et plaide pour "trouver d'autres ressources financières" et pour que cette augmentation ne soit pas reportée exclusivement sur les tarifs de l'eau potable et de l'assainissement.

"Longtemps, l'eau n'était pas un sujet. Il y a 10 ans, il y avait un discours chez les élus qu'elle était gratuite. C'est faux. On découvre aujourd'hui notre facture et on découvre qu'elle a un prix. Ça veut dire qu'il y a une méconnaissance" sur le sujet, a expliqué ce vendredi sur RMC et RMC Story dans Estelle Midi Alexandre Mayol, spécialiste de l'eau, qui a par ailleurs estimé que "l'opacité du prix de l'eau" était un "scandale".

Flambée du prix de l'eau : logique ou scandaleux ? - 31/05

20:04

Augmentation de 42% du prix du m3 à Toulouse dès samedi

Alors que le prix de l'eau est considéré comme "relativement faible" en France, à 4,30 euros le mètre cube (1.000 litres) en moyenne, avec de fortes disparités entre territoires, les acteurs prévoient que la part de la facture d'eau dans le budget des ménages passera de 0,8 à 1 puis 1,2% dans la décennie à venir.

Des collectivités ont en tout cas décidé de passer à l'action. Toulouse et ses 36 communes furent les premières, après avoir adopté en avril dernier un nouveau tarif saisonnier de l'eau qui entre en vigueur dès ce samedi 1er juin et qui prévoit, jusqu'en octobre, une hausse de 42% du prix du mètre cube d'eau et une baisse de 30% sur les sept mois restant, du 1er novembre au 30 mai.

Jean témoigne ce vendredi de l'augmentation du prix de sa facture. Alors en train de rénover une maison qu'il souhaite mettre en location et qu'il n'habite pas, il a consommé de l'eau de manière très ponctuelle lors de ses déplacements: "Pour 2 mètres cube, j'ai été facturé 170 €, la compagnie m'a expliqué qu'il y avait 160 € de taxe", raconte-t-il.

La sécheresse a bouleversé les habitudes de consommation

Une augmentation donc alors que la consommation d'eau a baissé de 3% à 4% en 2023 en France, un recul inédit et vertueux, provoqué par une prise de conscience favorisée par les dernières sécheresses, mais qui met en péril le financement des services de l'eau.

"Il faut réaliser ce que ça veut dire, le prix de l'eau. Parlez-en aux anciens, quand on leur a amené l'eau potable dans leurs villages, ce n'était pas une évidence. Nous, on a grandi avec", rappelle Alexandre Mayol

"Le problème, c'est le double discours. On dit aux gens de faire un effort puis une fois qu'ils ont été faits, qu'il va falloir augmenter le prix pour compenser. C'est incompréhensible. Je ne suis pas qu'ils réalisent le découragement que ça peut générer chez les gens", a estimé Alexandre Mayol.

Un réseau vieux de 60 ans, des investissements nécessaires

"On ne sait plus ce que ça coûte, ça fait 60 ans que le réseau est achevé [...] Pendant longtemps, on a baissé le prix et décidé de retarder l'investissement, sauf que quand on attend trop longtemps, ça coûte beaucoup plus cher", a-t-il fait savoir [...] "Il faut se réhabituer avec l'idée qu'il va falloir mettre de l'argent pour que le réseau ne déperisse pas totalement"

En 2021, la facture d'eau représentait en moyenne une dépense annuelle d'environ 500 euros TTC par ménage, selon des chiffres de la FNCCR.

LM