Des places à la dernière minute et sans hausse de prix, promet Proxima, future concurrente de la SNCF dans l'Ouest

Promettant de débarquer sur les lignes de l'Ouest de l'Hexagone, l'entreprise Proxima a annoncé sa création. Il s'agit de la première compagnie française indépendante de train à grande vitesse. Par une offre sur de nombreuses lignes, elle a l'intention de relier quatre grandes villes de la façade atlantique - à savoir Nantes, Bordeaux, Rennes et Angers - à Paris d'ici à la fin des années 2020.
Co-fondatrice et directrice générale de cette première compagnie privée française de TGV, Rachel Picard était l'invitée d'Apolline Matin sur RMC et RMC Story ce vendredi 7 juin 2024. Ex-patronne des TGV à la SNCF, elle a quitté le groupe public début 2020, puis a lancé sa propre compagnie, profitant de l'ouverture à la concurrence dans le ferroviaire. Elle est associéé à Timothy Jackson ancien dirigeants des activités de la RATP en Grande-Bretagne et en Irlande, qui a aussi fondé Alpha Trains, une société de location de matériel roulant.
Le projet est "né du constat que le TGV est plébiscité par les Français, on le voit: certains restent même à quais". Rachel Picard met en avant des "tendances de fond". D'abord, "la conscience écologique, qui aujourd'hui commence à peser dans le choix du mode de transports" que ce soit au niveau des particuliers, des entreprises et même des politiques publiques, selon elle. Deuxième élément, "les nouveaux modes de vie: on peut plus facilement habiter à Nantes et aller travailler à Paris, ou les familles sont plus éclatées, on est à Paris on a un enfant à Rennes..."
"Pas une concurrence à la SNCF"
Mais "Proxima n'est pas concurrente de la SNCF", recadre d'entrée Rachel Picard. "C'est une petite compagnie, la première indépendante de TGV en France, qui viendra vraiment à côté de la grande SNCF". Quel objectif alors? "D'apporter des places disponibles en plus, d'amener de la capacité", promet-elle sur RMC, alors que les lignes à grande vitesse de la façade atlantique sont vite saturées.
"On va voir la SNCF pour utiliser les lignes à grande vitesse qu'elle gère, sur lesquelles on va circuler et pour lesquelles on va payer des péages, donc elle est aussi très contente que nous arrivions puisque c'est de l'argent qu'on va mettre dans le système ferroviaire pour le maintien et l'entretien des voies", affirme Rachel Picard.
Pour elle, le véritable concurrent, c'est la voiture. "Ce qu'on veut, c'est mettre plus de passagers dans des trains." À terme, l'entreprise entend proposer 10 millions de nouvelles places par an. "Les gens pourront plus facilement trouver, jusqu'à la dernière minute, du TGV" et ainsi "relier les villes en moins de 2 heures", assure celle qui avait lancé Ouigo lorsqu'elle était du côté de la SNCF.
Des tarifs à la baisse?
Les voyageurs espèrent surtout des effets sur les tarifs et une baisse des "prix des billets qui sont très chers", par exemple "sur le Paris-Bordeaux: 150 euros aller-retour", explique une voyageuse à RMC. Mais aussi "une offre plus grande qui permet d'ajuster mes déplacements en fonction de mes horaires", souhaite Nicolas, chef d'entreprise. "Il peut arriver que les trains soient bondés, donc si je m'y prends pas à l'avance parfois je dois trouver un plan B, comme une voiture, mais ce n'est pas évident car mes déplacements sont loin."
À la SNCF, "on peut trouver des places pas cher, mais maintenant c'est de plus en plus à l'avance", avance Rachel Picard. "Le fait de rajouter des places dès le départ, c'est donner plus de choix, plus d'horaires et plus de facilités pour les voyageurs. Ils pourront, à la dernière minute, avoir des places disponibles. Et les prix ne monteront pas", promet-elle.
Mieux, "mécaniquement", selon elle, "tout le monde aura des tarifs qui resteront concurrentiels, puisque vous n'aurez plus cet effet de rareté à la dernière minute", poursuit Rachel Picard en soulignant qu'"en toute logique" cela devrait aussi faire baisser les prix de la SNCF.
Mais alors quels seront ces tarifs? "Des prix on en aura pour tout le monde", promet encore Rachel Picard. "On sera sur une gamme de tarifs plus faciles, plus simples et plus directs. Vous n'aurez pas de système de cartes, l'idée c'est d'avoir des tarifs très lisibles", pour "redonner de la facilité, de la rapidité".
Si les prix baissent effectivement, "ça permettra à tout un chacun de se déplacer plus aisément, je vois ça d'un bon œil", livre un autre voyageur à RMC.
"On veut chercher des clients différents, aller au plus près de ce dont ils ont besoin, ce qu'on va faire", annonce encore Rachel Picard. "Jusqu'à maintenant on s'est attelé à ce qui est le plus difficile et le plus lourd: trouver le financement et les trains."
Horizon 2027
Proxima a en effet annoncé la signature d'un protocole d'accord pour l'achat de douze rames à Alstom pour un coût de 500 millions d'euros, après avoir levé un budget total de 1 milliard d'euros. L'entreprise est entrée en négociation exclusive pour ces Avelia Horizon, soit le modèle du TGV M que la SNCF doit mettre en service au second semestre 2025. Des trains à deux niveaux construits par Alstom, avec plus de sièges que dans les TGV actuels, et dans lesquels Proxima prévoit de proposer des aménagements spécifiques pour se distinguer de la SNCF.
Quand? "Les rames Alstom vont commencer à sortir le premier tour de roues début 2027, puis il y a des mois de tests pour tester la sécurité. Ensuite, on envisage de mettre des passagers à bord, quelques mois après", poursuit Rachel Picard.
Et qui conduira ces trains? "On souhaite former des cheminots, et on voudrait amener d'autres personnes à travailler dans le ferroviaire. On est déjà en train de discuter avec des écoles", indique la dirigeante de Proxima.
Une "marge de manœuvre pas énorme"
Pour financer le projet, le fonds Antin Infrastructure Partners. Par cet investissement, il devient ainsi l'actionnaire de Proxima, a indiqué son PDG Alain Rauscher, en précisant qu'il sera "une partie de fonds propres et de la dette qu'on lève auprès de grandes banques françaises et internationales", d'après l’AFP.
Le projet semble viable, mais le défi sera d'être rentable explique Patricia Pérennes, économiste spécialiste des transports: "Il faut qu'ils soient quand même un peu moins chers ou qu'ils proposent un autre petit truc pour que les gens basculent chez eux. Ça sera probablement le prix ils seront sans doute un peu moins chers que SNCF." Mais, "avec des péages identiques et des TGV payés à prix identiques, leur marge de manœuvre pour se différencier n'est pas énorme", prévient-elle.
Dans tous les cas, l'opérateur serait le premier à se lancer sur la façade atlantique, après l'échec d'autres projets, faute de financement.