Faut-il taxer les rentes pour réduire le déficit public?

Faut-il un impôt exceptionnel de crise au vu de l'état des finances du pays? Emmanuel Macron a concédé fin mars qu'il faudra "compléter" l'effort budgétaire au vu du déficit de l'Etat. Le gouvernement envisage toujours de ramener le déficit à 3% du PIB en 2027, malgré un taux affichant 5,5% en 2023. Pourrait-il envisager une taxation des superprofits comme le demande l'aile gauche?
Le Premier ministre Gabriel Attal fait très attention à son vocabulaire et parle d'une possible "taxation des rentes", même si le ministre des Finances Bruno Le Maire refuse le recours à toute "taxe exceptionnelle, surtaxe, taxe temporaire ou taxe de rendement", visant explicitement la taxe sur les superprofits défendue par une partie de l'opposition et de la majorité, sur laquelle le Premier ministre Gabriel Attal avait déclaré "ne pas avoir de dogme".
Toutefois, Bruno Le Maire assure que le gouvernement est disposé à "durcir la contribution sur la rente des énergéticiens, dont le rendement a été trop faible en 2023", réaffirme le ministre. "Avec le Premier ministre, nous voulons lutter contre toutes les rentes", dit-il.
Mathieu Plane, économiste à l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) reconnaît sur RMC ce mercredi 3 avril que les leviers à tirer sont limités au vu de la situation actuelle.
"Si on reste vraiment dans l'objectif de ramener le déficit à 3% du PIB en 2027, cela semble très difficile de ne pas toucher à la fiscalité. Il y a deux leviers, soit des économies sur les dépenses publiques, soit toucher à la fiscalité. Le troisième levier, on l'écarte car c'est la croissance (qui n'est pas à la hauteur)", illustre-t-il.
Le terme de "taxation des rentes" reste en revanche "assez flou" selon Mathieu Plane. "On comprend globalement le concept de rente, gagner de l'argent sans créer vraiment de croissance ou d'innovation. Les superprofits s'apparentent un peu à cela", juge-t-il.
Mais tout dépend de ce qu'on définit comme une rente car on peut également parler de cela dans le cas des successions.
"Il y a énormément de choses qui peuvent être différentes et vous allez pouvoir toucher des entreprises ou des particuliers. Il va falloir le définir clairement", plaide Mathieu Plane.
Seraient potentiellement visées les entreprises françaises dont les bénéfices se sont envolés sans qu’elles aient modifié leur fonctionnement, augmenté leurs investissements ou leurs embauches. Un effet d’aubaine en quelque sorte.
Toutes les propositions d'une taxe faites tournent autour du même principe: à gauche, on veut taxer les profits qui seraient supérieurs de 20 à 25% à la moyenne des années précédentes. Au centre, on préférait taxer non pas les profits mais les superdividendes, la part des profits qui va aux actionnaires, à hauteur de 35% quand ils dépassent la moyenne des années précédentes. A droite, et chez Bruno Le Maire, ministre des Finances, on ne veut rien taxer du tout.
Les principaux secteurs qui seraient concernés seraient ceux dont les prix sont soumis aux aléas des marchés mondiaux comme l'énergie et le transport. Jusqu'ici seuls les énergéticiens et les laboratoires de biologie médicale ont été mis à contribution durant la crise Covid.
"C'est une situation exceptionnelle qui nécessite que tout le monde soit autour de la table. Il est difficile d'écarter les grosses entreprises du redressement des comptes publics alors que l'on va demander au citoyen de faire des efforts. Tout le monde doit être mis à contribution à la hauteur de ce qu'il peut faire", juge Mathieu Plane.