INFO RMC - Michel-Edouard Leclerc dans le collimateur de Bercy

C’est aujourd’hui que le texte du nouveau projet de loi sur l’Alimentation est présenté en conseil des ministres. Rédigé par la ministre de l’agriculture Stéphane Travert, il doit permettre aux agriculteurs de "vivre dignement de leur travail" mais aussi "d’assurer à chaque Français l’accès à une alimentation de qualité pour un coût raisonnable". Un projet qui prévoit notamment un meilleur encadrement des promotions dans les grandes surfaces, ainsi qu'un relèvement du seuil de revente à perte, afin de garantir aux agriculteurs un revenu décent. Avant même cette loi, les distributeurs ont déjà signé en novembre une charte de bonne conduite.
Lors de ses vœux aux agriculteurs jeudi, le président Emmanuel Macron a pourtant menacé de dénoncer auprès du grand public ceux qui ne respecteraient pas cette charte. D'après un document de la répression des fraudes que Marie Dupin pour RMC a pu consulter, c’est Michel-Edouard Leclerc qui est dans le collimateur.
Ce qui dit le rapport de la DGCCRF
Le chef d'entreprise a d’ailleurs été reçu avant-hier par Bruno Le Maire pour évoquer la tenue actuelle des négociations entre distributeurs, industriels et producteurs. La politique de Leclerc a toujours été orientée vers la pratique de prix de vente très bas, ce qui lui a permis de se positionner comme l’enseigne la moins chère la plus compétitive parmi les distributeurs français. Michel-Edouard Leclerc avait d’ailleurs fait entendre son mécontentement lors des Etats généraux de l’alimentation, notamment contre le relèvement du seuil de revente à perte, mais finalement il s’était engagé à respecter la charte signée en novembre
Pourtant, malgré la signature de cette charte, les pratiques du distributeur redeviennent particulièrement agressives. C'est, en effet, en ce moment que se déroulent les négociations pour 2018 entre les producteurs, les industriels et les distributeurs... Premières informations recueillies par la DGCCRF, la répression des fraudes font état de demandes de baisses de prix sans contreparties très importantes de la part de Leclerc vis-à-vis de ses fournisseurs. Le groupe demanderait des baisses de prix de plus de 5%, beaucoup plus que d'habitude. Lors des négociations, il y a un an, Leclerc se serait contenté de baisses de prix de 1 à 2%.…
"D’autres distributeurs s’inspireront du modèle engagé par Leclerc"
Ce qui inquiète particulièrement Bercy, c’est que Leclerc "délocalise" les négociations avec les fournisseurs. Leclerc aurait trouvé une technique pour échapper aux lois françaises qui sont parmi les plus protectrices des fournisseurs. Il a créé, en 2016, avec un autre distributeur allemand, une centrale d’achat, Eurelec, située en Belgique. Celle-ci négocie déjà les contrats, les prix avec une dizaine de très gros fournisseurs dont Nestlé et Danone. Par ce biais, Leclerc crée en réalité une nouvelle pratique consistant à délocaliser la négociation commerciale à l’étranger afin "d’éviter l’application de la loi". C'est ce qu'indique cette note de la Répression des Fraudes, datée du 21 novembre 2017, que Marie Dupin a donc pu consulter.
La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes estime qu’il faut "répondre urgemment à ces pratiques" parce que sinon "d’autres distributeurs s’inspireront du modèle engagé par Leclerc". Les distributeurs Intermarché et Carrefour réfléchiraient d'ailleurs également à une négociation délocalisée.