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Les centres-villes de plus en plus désertés? "On est en train de tuer le commerce de proximité"

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Le taux de vacance des baux commerciaux est de 10.64% en 2024 en France, soit un point de plus qu'en 2023. Les enseignes désertent notamment les galeries commerciales. "Le résultat d'une politique qui est de rendre de l'accès au centre-ville le plus difficile, avec l'exclusion de la voiture", a dénoncé sur RMC Amir Reza-Tofighi, président de la CPME.

Les centres commerciaux des villes font grise mine, c'est ce que révèle la 12e étude Codata Digest publiée ce mercredi 5 février. Celle-ci dresse un état des lieux de l'immobilier commercial et du "retail" en France, avec au total 4.045  sites commerciaux et 1.558 centres commerciaux  ont été visités entre janvier et décembre 2024 !

L'un des principaux enseignements de cette étude est que le taux de vacance des sites et centres commerciaux a augmenté en 2024, et ce pour la deuxième année consécutive. Elle est désormais de 10,64%, soit plus d'un point par rapport à 2023. Les centres commerciaux sont particulièrement concernés avec 16.07% de locaux qui restent désespérément vides.

L'accès au centre-ville de plus en plus difficile?

"C'est le résultat d'une politique, depuis nombreuses années, qui est de rendre l'accès au centre-ville le plus difficile, avec l'exclusion de la voiture", peste ce mercredi Amir Reza-Tofighi, président de la CPME (confédération des petites et moyennes entreprises) au micro d'Apolline Matin. "On est train de tuer le commerce de proximité au profit du e-commerce. Est-ce que c'est ce modèle qui finance notre modèle social?"

Le choix d'Apolline : Amir Reza-Tofighi - 05/02
Le choix d'Apolline : Amir Reza-Tofighi - 05/02
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Un centre commercial à Ivry-sur-Seine vidé à 90% de ses commerces

Géographiquement, c'est en Île-de-France que le phénomène est le plus concentré (à l'inverse de la Corse) avec l'exemple d'Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), où un centre commercial de 60.000 m2 est tout simplement abandonné par les enseignes.

La grande entrée du centre est condamnée et une petite donne accès au bâtiment. Pas un bruit, juste celui des escalators, empruntés par quelques personnes qui déambulent les allées désertes. 90 % des boutiques ont définitivement tiré le rideau. "Avant on pouvait tout acheter, vêtements, meubles...", constate avec désolation une retraitée.

Un centre vieillissant puisque les travaux prévus depuis 5 ans n'ont jamais commencé. Conséquence: les grandes enseignes ont quitté les lieux. Le centre commercial n'est plus rentable et n'attire plus  de clients, selon ce le pharmacien. "C'est cher, je paie 14.000 € par mois pour une superficie de 150 m2. C'est énorme, si je pouvais, je partirais", dit-il auprès de RMC. Les seuls commerces qui tirent encore leur épingle du jeu sont les magasins à prix discount et une friperie qui vend des vêtements de seconde main à prix cassés.

Laval, une "ville fantôme"?

En dehors de l'Île-de-France, plusieurs villes font le constat d'une activité commerçante en berne, surtout en centre-ville. Magalie, habitante de Laval (Mayenne), juge que c'est une "ville fantôme, surtout depuis le début des travaux il y a 2 ans".

"Ils refont tout le centre-ville, cela a accéléré encore plus la désertification. C'est galère pour y aller, circuler et se garer. Les commerces ferment les uns après les autres et les restaurants qui ouvrent ferment après 6 mois", déplore Magalie.

A noter cependant que ces travaux prévoient la construction de futures Halles, avec "14 commerces et traiteurs ainsi que deux restaurants", selon le média local Ici.

Le 3216 RMC du 5 février - 7h08
Le 3216 RMC du 5 février - 7h08
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Jo, commercial, explique de son côté que le "modèle a changé, les gens n'ont plus envie de passer plusieurs heures dans les magasins. Aujourd'hui je vais au drive, j'achète sur internet mais quand une boutique me plaît, je fais le déplacement, sinon c'est en ligne."

La propriété foncière, un enjeu pour les mairies

Châteauroux avait en 2017 "plus de 15% de ses locaux commerciaux vides. Aujourd'hui, on est à 9,5%, avec 51 établissements supplémentaires en centre-ville", a fait savoir sur RMC Gil Avérous, maire Divers droite de la ville. Selon lui, la clé est dans la "maîtrise de la propriété foncière". Celle-ci permet ensuite aux élus de remettre sur pied certains locaux, "plus adaptés", notamment en termes d'accessibilité pour les personnes les plus âgées.

L'invité de Charles Matin : Centres-villes, comment les redynamiser ? - 05/02
L'invité de Charles Matin : Centres-villes, comment les redynamiser ? - 05/02
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Le dispositif "Action coeur de ville", en lien avec l'Etat, permet aux communes de "bénéficier d'un accompagnement afin d'acheter les commerces et les rénover", détaille l'édile, qui cite aussi une meilleure maîtrise des loyers.

Mais un centre-ville se redynamise, certes grâce à l'offre des commerçants, mais faut-il encore qu'ils réussissent à attirer les clients. "Il faut ramener les habitants qui sont partie en périphérie, il y a une demande", assure Gil Avérous. Là encore, certains logements doivent être réadaptés.

La maîtrise foncière permet aussi aux élus de "choisir" les commerçants et de lutter contre un "appauvrissement commercial", le maire de Châteauroux citant notamment trop de "kebabs, laveries et barbers" implantés en centre-ville. Ces derniers étant pafois selon lui des façades pour "blanchir de l'argent".

Romain Poisot avec Léo Manson