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Perrier, Vittel... Nestlé a "trompé le consommateur", et l'Etat l'a dissimulé, dénonce Alexandre Ouizille

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L'affaire des traitements illicites utilisés pour certaines eaux minérales a fait l'objet d'une "dissimulation par l'État", estime la commission d'enquête sénatoriale. Selon Alexandre Ouizille, rapporteur de la commission, Nestlé a trompé les consommateurs.

C’est désormais avéré, Nestlé Waters a trompé le consommateur et l'Etat a "délibérément" décidé de "dissimuler" les traitements illicites des eaux de Perrier. C'est ce que dénonce la commission d'enquête du Sénat sur les eaux en bouteille. "Outre le manque de transparence de Nestlé Waters, il faut souligner celui de l'Etat", détaille le rapport de la commission d'enquête rendu public lundi.

L’entreprise a utilisé des traitements illicites pour purifier ses eaux minérales naturelles, et pouvoir continuer à avoir l’appellation Eau minérale naturelle. En réalité, elle ne différait pas beaucoup d’une eau du robinet mais elle était vendue près de 100 fois plus cher.

"Traitements illégaux"

L'entreprise s'est rendue compte à partir de 2020/2021 qu'elle "était dans le collimateur", explique Alexandre Ouizille, sénateur socialiste et rapporteur de cette commission d’enquête. Elle avait des "traitements manifestement illégaux puisque c’était des traitements pour l’eau du robinet", type lampe à UV et filtre à charbon.

"A partir de là, elle change de stratégie et part vers d’autres traitements. Sauf qu’ils sont aussi illégaux", détaille le sénateur, chez Apolline Matin.

Le rapport note que l'entreprise a ainsi pu continuer à commercialiser son eau sous la prestigieuse appellation d'Eau minérale naturelle. Pourtant, pour y prétendre selon la réglementation, une eau ne peut faire l'objet d'aucune désinfection ou traitement.

"Elle a trompé le consommateur", s'indigne-t-il.

Dans un communiqué hier, Nestlé Waters a déclaré prendre acte de ce rapport qui "reconnaît l'importance des enjeux sectoriels nécessitant une clarification de la réglementation et un cadre stable, applicable à tous".

L'Etat mis en cause

Et selon le rapport, l'État, jusqu'au plus haut sommet, a cherché à dissimuler le contournement des règles de traitement de l'eau de Perrier. Les filtrations illégales de l'entreprise sont connues dès 2021 par Bercy, et dès 2022 à l'Elysée.

“A partir de 2021, Nestlé va auprès du ministère de l’Industrie et lui révèle les choses. Mais le choix qui est fait par les autorités publiques n’est pas d’aller devant les Français, les autorités européennes ni locales, c’est de taire les choses”, alerte Alexandre Ouizille.

Ce sont des révélations de presse en janvier 2024 qui mettent au courant les sénateurs. A ce moment-là, les parlementaires, et singulièrement le groupe socialiste au Sénat, se mettent à travailler sur ce sujet et à demander la commission d’enquête.

Pour la sénatrice écologiste Antoinette Guhl, membre de cette commission d'enquête: "il me semble évident qu'il y a une affaire d'Etat". Elle explique: "il y a une ouverture à tous les échelons politiques. Ministre, cabinet de la Première ministre et secrétaire général de l'Elysée était informés. Cette affaire a donné lieu a plusieurs rendez-vous entre Alexis Kohler et Neslté Waters, ça on le sait".

Changer le libellé

Entre temps, l’Etat rentre dans une logique transactionnelle avec Nestlé qui l’emmène à "avoir une attitude de plus en plus contestable", rapporte Alexandre Ouizille, "ne pas révéler évidemment le scandale".

"Nous avons révélé lundi un rapport administratif, celui de l’autorité régionale de santé d’Occitanie, caviardé, co-écrit avec l’industriel que l’industriel a lui-même censuré. C'est complètement dingue", réagit-il.

En revanche les sénateurs ne font état d'aucune implication directe d'Emmanuel Macron. Et si aucune contamination grave de consommateur n'est remontée, c'est bien la gestion du risque sanitaire par l'Etat qui a été problématique, dénonce la commission d'enquête qui réclame plus de contrôles. "Lorsque vous ne traitez pas efficacement une eau qui pose des problèmes dans les eaux brutes, qu’elles sont contaminées, votre seule modalité de gestion une fois que la production est faite, est de détruire des lots en masse. L'année dernière, 3 millions de bouteilles de Perrier ont été détruites". Une proposition de loi sera prochianement déposée.

"Ce n'est juste plus une eau minérale naturelle. Il faut appeler les choses par leur nom. Donc on ne peut plus l'appeler ainsi, car c'est un label d’excellence qui va avec un prix", martèle le socialiste".

"Cette eau nécessite d'être traitée et il faut l'assumer", conclut-il.

"J'en achète moins"

Depuis les révélations, certains consommateurs se disent de plus en plus réticents à acheter des bouteilles d'eau Perrier. La longue bouteille verte n’a plus la côte chez ces consommateurs: "j'en bois moins. Avant j'en buvais chaque semaine, maintenant j'en achète moins".

"On a changé de bouteille, autant prendre une marque où il n'y a pas de polémique", réagit un consommateur pour RMC.

Le groupe assure que la sécurité alimentaire a toujours été garantie mais ça n'empêche pas Marie de s’inquiéter de la qualité de l’eau qu’elle achète. A cela s'ajoutent désormais des plaintes pour tromperie sur l’appellation Eau minérale naturelle, alors la jeune maman se sent flouée: "même quand on cherche à consommer au mieux en terme de qualité, on se rend compte que ce n'est pas le cas".

Un constat partagé par Julie, qui a décidé d’arrêter d’acheter du Perrier: "au moins qu'on soit averti quoi".

"Libre à chacun d'acheter ou pas mais le fait qu'on cache les choses, c'est délétère", poursuit-elle.

Dans certains commerces contactés par RMC, les ventes de Perrier ont chuté de 20 à 25% depuis janvier. Un recul qui pourrait s’estomper rapidement selon Léa Riposa, consultante marketing: "passé le temps de la surprise et de la peur, le consommateur est tout de même attiré par le goût, le souvenir du plaisir". Avant d'ajouter: "donc on peut s'attendre qu'ils continuent de consommer ou qu'ils y reviennent assez rapidement". De son côté, la maison mère de Perrier, Nestlé, indique ne pas constater de baisse de la consommation.

SG avec Cyprien Pézeril et Pierre Bourgès