RMC

Sécurité alimentaire: les lobbys dictent-ils leur loi?

Buitoni, Kinder... Les scandales alimentaires ne cessent d'éclore ces dernières semaines. Face à cela, les lobbys agro-alimentaires se réveillent, alors qu'une "police de la sécurité alimentaire" va être créé sour l'égide du ministère de l'Agriculture. Ce matin, Daniel Benamouzig, auteur d'une enquête sur le sujet, était l'invité d'Apolline Matin sur RMC et RMC Story.

Face aux scandales alimentaires, attention aux lobbys! C'est l'avertissement de Daniel Benamouzig, sociologue, chercheur au CNRS et auteur de Des lobbys au menu, les entreprises agro-alimentaires contre la santé publique (Éditions Raison d'agir), invité ce matin d'Apolline Matin sur RMC et RMC Story. Le professeur à Sciences Po estime que le consommateur, quand il fait ses courses, est "au cœur d'une bataille de l'information pour faire (ses) choix".

Le sociologue parle "d'une guerre permanente, longue, avec des batailles, comme lors de l'instauration du nutriscore, avec des soldats, des divisions" entre les différents lobbys et les gouvernants. Objectif: pouvoir afficher sa vérité sur les produits, les packagings où les "fabriqué", "transformé", "produit" en France peuvent brouiller les pistes et où la composition des produits peut aller du plus simple au plus complexe à décrypter pour le consommateur.

Les lobbys au cœur de la politique

Pour les lobbys et notamment les industriels du secteur, il y a plusieurs manières d'agir pour gagner la bataille de l'opinion et d'abord en allant travailler les politiques. Daniel Benamouzig raconte que les lobbyistes se rendent présents auprès des politiques "avec des rencontres, des repas, des clubs". C'est ains qu'à'Assemblée nationale des clubs naissent comme "le club de la table française, avec une centaine de députés adhérents, le club des amis du cochon ou un club qui s'appelle "Vive le foie gras!"."

"Pourquoi pas défendre les intérêts de certains produits de certaines fillières mais comment se font les équilibres entre intérêts du consommateurs et intérêts économiques?" se demande le titulaire de la chaire Santé à Sciences Po Paris.

C'est ainsi qu'en travaillant les politiques, certains lobbyistes arrivent à des postes à responsabilité. Audrey Borollo, déléguée générale de l'association Vins et société, organisme très influent dans le monde viticole, a été nommée conseillère agriculture d'Emmanuel Macron. "C'est un mécanisme malheureusement ordinaire. C'est des choses qu'on observe à toutes les échelles" explique le directeur de recherche au Centre de Sociologie des Organisations.

Autre décision favorable aux lobbys selon Daniel Benamouzig, la décision prise cette semaine de l'abandon par Bercy des contrôles de sécurité alimentaire au profit du ministère de l'Agriculture. "A priori le ministère de l'Agriculture est habituellement plus poreux aux intérêts économiques", note Daniel Benamouzig. "Du point de vue de la santé, les équilibres entre (les ministères de) l'Agriculture et la Santé sont aux dépends des enjeux de santé. C(e transfert) est une source de vigilence à avoir", estime le sociologue.

>>> A lire aussi : Bercy abandonne les contrôles de sécurité alimentaire au minsitère de l'Agriculture

Infiltrés dans les revues scientifiques

Les lobbys sont aussi présents dans les revues scientifiques. Les entreprises de l'agro-alimentaire financent certains articles dans des revues prestigieuses et peuvent ainsi peser sur le débat scientifique. "En amont, il y a un travail de construction de la connaissance en finançant certaines recherches, en extrayant des résultats favorables et en communiquant dessus", explique Daniel Benamouzig.

Il y a aussi une autre manière de peser sur les recherches scientifiques, pour les groupes agro-alimentaires, non pas en apportant de la recherche mais en essayant de déstabilisier celle qui leur est défavorable: "Les lobbys peuvent aussi non pas d'apporter des éléments positifs mais essayer de fragiliser les arguments négatifs apportés par d'autres. Si (un groupe) a des difficultés, ils vont essayer demontrer que les études ne sont pas si fiables que ça, que ça n'a été démontré que sur les animaux mais pas sur l'homme, etc." Une manière de freiner le progrès scientifique pour conserver ses intérêts.

https://twitter.com/mmartinezrmc Maxime Martinez Journaliste RMC