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Économie

Traité Mercosur: opposée à l'accord, la France cherche à faire entendre sa voix au sein de l'UE

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La ratification du traité de libre-échange entre l'UE et le Mercosur aurait des conséquences néfastes pour l'agriculture française, défend le gouvernement, soutenu par une grande partie de la classe politique française. La France cherche pourtant toujours des soutiens parmi les 27 afn d'imposer un veto.

Le traité de libre-échange entre l’Europe et le Mercosur (Argentine, Brésil, Uruguay, Paraguay et Bolivie) est un dilemme. Bruxelles doit choisir entre l’industrie allemande et l’agriculture française, alors que la France veut tout faire pour bloquer l’accord. Le village d’irréductibles gaulois, énième acte. Va-t-on finaliser l’accord? Au risque de souffler très fort sur les braises de la colère agricole, déjà incandescentes...

Pour Paris, c'est non. Ce n’est "pas un traité qui est acceptable en l’état", disait Emmanuel Macron fin octobre. Jeudi, dans Ouest-France, Michel Barnier était aussi très clair: "L’union européenne ne peut pas détruire, par naïveté, des pans entiers de sa propre économie."

Le président et le gouvernement sont rejoints sur ce sujet par l'ensemble de la classe politique française, une unanimité rare qu'il convient de souligner. En témoigne cette tribune dans Le Monde publiée mardi: plus de 600 parlementaires français (de gauche et droite) se sont adressés à la présidente de la Commission Européenne, Ursula von der Leyen. Celle-ci est cernée mais pourrait malgré tout bien nous forcer la main.

Faire face au protectionnisme promis par Trump

Car la France peut bloquer l'accord, mais cela va se jouer dans un mouchoir de poche. Bruxelles va devoir arbitrer entre ses membres, membres fondateurs qui plus est. La tendance serait à une ratification, au détriment des agriculteurs français et au bénéfice de l’andustrie allemande. Un "sacrifice", va même jusqu'à dire l'hebdomadaire Marianne.

Les commissaires européens poussent en faveur de l’accord en rappelant l’enjeu économique, notamment pour faire face au protectionnisme annoncé par Donald Trump. La France, elle, veut défendre ses agriculteurs car les marchandises sud-américaines risquent d'assommer les éleveurs et producteurs français, tant la concurrence est déloyale.

La matinale 100% info et auditeurs. Tous les matins, Apolline de Malherbe décrypte l'actualité du jour dans la bonne humeur, avec un journal toutes les demies-heures, Charles Magnien, le relais des auditeurs, Emmanuel Lechypre pour l'économie, et Matthieu Belliard pour ses explications quotidennes. L'humoriste Arnaud Demanche vient compléter la bande avec deux rendez-vous à 7h20 et 8h20.
Expliquez-nous par Matthieu Belliard : UE-Mercosur, pourquoi la France est seule à s'opposer ? - 15/11
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Le chancelier allemand en grande difficulté

À Berlin, le chancelier allemand Olaf Scholz est en grande difficulté politique, l'industrie et l'économie allemande sont moribondes. L'accord avec le Mercosur permettrait d'augmenter massivement les ventes de Volskwagen, actuellement en chute libre. D'autant que les élections fédérales se tiendront de manière anticipée en février prochain, soit sept mois avant la date initiale, le résultat de la crise politique actuelle outre-Rhin. Une question de survie politique pour l'actuel chancelier.

L’Allemagne bénéficie de soutiens comme l’Espagne et l’Italie. "Si on ne conclut pas un accord avec le Mercosur, la Chine le fera", a alerté l’ancienne Première ministre estonienne, Kaja Kallas, aux avant-postes aujourd’hui de la diplomatie européenne.

La France manque de soutien

En face, la France est soutenue par la Pologne et l’Autriche. C’est un peu court. Le gouvernement de Michel Barnier veut convaincre les hésitants comme l'Irlande ou les Pays-Bas, par exemple, car la France doit avoir une minorité de blocage pour empêcher l’accord, à savoir quatre Etats minimum. Il y en a trois pour l'instant.

Si toutefois la France n'arrive pas à engranger un nouveau soutien, il restera des étapes. L'accord doit également être ratifié par le Parlement européen. C'est, d'ailleurs, sur ce vote là que les mobilisations des agriculteurs pourraient peser. L’accord avec le Mercosur, c’est l’arrivée promise sur le sol européen de viande, sucre, riz, miel, soja…

L'UE peut imposer la partie commerciale du texte

Pour être appliqué, le traité doit ensuite être ratifié par chacun des parlements nationaux. Il suffit que les députés d’un seul État membre s’y opposent pour que l’accord vacille. Sauf que dans ce cas-là, la Commission européenne peut encore scinder le texte, en sortir l’aspect purement commercial et imposer l’accord.

Autant dire que Michel Barnier va devoir ressortir sa casquette de négociateur du Brexit, d’ancien commissaire européen, d’ancien ministre de l’Agriculture et des Affaires Etrangères. Ça fait beaucoup. La ministre française de l’Agriculture Annie Genevard l'assure: "Notre travail est de rallier un maximum de pays de façon à imposer un veto."

Matthieu Belliard