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De plus en plus de consommation de cocaïne au travail: "Un rail de coke, un café, c'était ma réalité"

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La consommation d'alcool et de drogues au travail a explosé, selon une étude d'iThylo, spécialiste de la prévention et du dépistage. Les auteurs de l'étude alertent particulièrement sur la cocaïne. Plusieurs anciens consommateurs au travail témoignent sur RMC.

"Je faisais d'abord alcool, 10 cl de vodka, et ensuite je prenais cigarette, cocaïne puis un café." Les cas de consommation de drogues et d'alcool au travail comme celui de Nicolas, ancien communicant, explosent. Les cas positifs ont augmenté de 107% en huit ans, selon une étude de iThylo, spécialiste de la prévention et du dépistage, publiée jeudi, fondée sur l’analyse de 110.884 dépistages inopinés réalisés entre 2017 et avril 2025 en entreprise.

La consommation de cocaïne est particulièrement inquiétante. Le cofondateur et président d'iThylo Jean-Jacques Cado note, sur RMC vendredi, "une très très forte accélération". L'étude montre qu'en huit ans le nombre de cas positifs à la cocaïne a été multiplié par 13.

"On se ment en permanence"

Consultant en prévention des conduites addictives en entreprise, Nicolas, ancien communicant, évoque son passé de cocainoman sans tabou: "Un jeune qui dans son quotidien prend son job avec un rail de coke, un café, c'était ma réalité."

À l'époque, Nicolas entretenait une routine où il enchaînait vodka, cigarette, cocaïne et café toutes les heures dans les toilettes de son entreprise. La cocaïne lui coûtait jusqu'à 3.600 euros par mois.

"Je me suis retrouvé à ne plus pouvoir payer mon loyer et donc après avoir perdu mon travail, j'ai perdu assez rapidement mon appartement", raconte-t-il.
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Nicolas rentre alors en cure de désintoxication. Cela fait désormais neuf ans qu'il est sobre et n'a plus retouché à la cocaïne. Marie en est elle à un an et demi de sevrage. Elle consommait elle aussi cette drogue au travail, en boulangerie et dans la restauration. "C'est un milieu où on n'a pas de vie parce qu'en fait on se lève à 2 heures du matin. La cocaïne ça réveille, ça rend actif, ça rend plus performant, c'est ce qu'on se dit. On se ment en permanence", confie-t-elle.

La trentenaire avoue qu'elle consommait de la cocaïne tous les jours. Mais au travail, cela devenait de plus en plus dur à gérer: "Je n'arrivais plus à gérer ce qu'on me demandait, je commençais à faire beaucoup de conneries, à louper les cuissons, à ne pas réussir à faire le travail en temps et en heure. C'était une catastrophe."

Les travailleurs précaires fortement touchés

Ces témoignages sont de plus en plus nombreux et touchent désormais surtout les travailleurs précaires. La consommation de cocaïne a longtemps été réservée à certains milieux festifs ou à des professions de cadres urbains, précise l'étude, mais aujourd'hui, elle est présente dans toutes les entreprises. L'étude pointe notamment le cas des intérimaires, qui représentent 31% des cas positifs, alors qu'ils ne comptent que pour 15% des personnes sondées.

"En début d'année, il nous est arrivé d'avoir sur un chantier sur 24 personnes, huit positives à la cocaïne, un tiers", affirme au micro d'Apolline Matin Jean-Jacques Cado, cofondateur et président d'iThylo.
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Cette augmentation de la consommation par les plus précaires s'expliquent de différentes manières. D'abord par la baisse du prix de la cocaïne et son accès plus faciles désormais. Cette drogue a longtemps considérée comme rare. À 60 euros le gramme, et avec le développement des livraisons à domicile, tout le monde peut s'en procurer selon un addictologue.

Le quotidien des travailleurs précaires est une autre explication de cette hausse de consommation. "Les salariés vont consommer pour se maintenir éveillés, améliorer leur performance", note le docteur Kjetil Liot, addictologue et médecin du travail. Ce dernier insiste pourtant sur "les risques d'infarctus du myocarde" que représente ce produit "très dangereux". L'addictologue s'inquiète d'une "sous-estimation du risque".

Rachel Saadoddine et Tanguy Roman Clavelloux