"Expliquez-nous": la colère des patrons sur la question des retraites

Les patrons affirment qu’il faut repousser l'âge de départ à la retraite pour sauver le système. Et dire le contraire c’est mentir aux Français. Le patron des patrons, Geoffroy Roux de Bézieux l’a encore dit jeudi. "On ment aux français" aux Français, c’est son expression, il l’utilise chaque fois que l’on parle de l'âge de la retraite.
Le Medef demande donc que l'âge minimum pour toucher une pension passe de 62 à 64 ans, en augmentant progressivement entre 2020 et 2028. C’est effectivement la mesure qui rapporterait le plus, parce qu’elle toucherait tout le monde. Seulement, il y a un problème. Pendant sa campagne, Emmanuel Macron avait été on ne peut plus clair: "Je ne toucherai pas à l'âge de départ". Il l’avait même martelé sur RMC le 24 février 2017. Difficile de revenir sur un tel engagement.
Macron fait volte-face
D'où la proposition du haut-commissaire à la réforme de retraites, Jean Paul Delevoye. L'âge légal de départ reste à 62 ans, mais avec une pension réduite de 10%. Pour toucher une pension complète, il faut travailler jusqu’à 64 ans. C’est ce qu’on appelle l'âge pivot. On était donc parti pour adopter cette mesure jusqu’à la surprise de lundi soir: Emmanuel Macron indique soudain qu’à titre personnel, il trouverait plus juste de jouer sur la durée de cotisation.
Autrefois, c’était 37 ans et demi pour un départ à 60 ans. Mais il y a eu les réformes de 2003, 2008, 2010 et 2014. Et actuellement, il faut avoir travaillé 42 ans. Bientôt 42 ans et demi, puis 43 ans. Si l’on parle d’une nouvelle réforme, c’est donc qu'on envisage d’aller au-delà et demander aux Français de cotiser plus que 43 ans.
Prendre en compte la durée de cotisation, une méthode plus juste
Emmanuel Macron affirme que c’est plus juste et il a raison. Il dit que ceux qui ont commencé à travailler tôt doivent pouvoir partir plus tôt. Et effectivement jouer sur la durée de cotisation avantage ceux qui ont commencé à travailler très jeune. Alors qu’au contraire, l'âge pivot à 64 ans pouvait les obliger à cotiser pendant 48 ans pour ceux qui ont commencé à 16 ans. C’est tout à fait injuste.
Surtout que l’INSEE vient de nous apprendre que l'espérance de vie des hommes les plus pauvres est de 71 ans. Et celle des 5% les plus riches de 84 ans. 13 ans d'écart, 13 ans de retraite de moins pour les plus pauvres qui sont souvent ceux qui ont fait le moins d’études. Il n’est donc pas injuste de ne pas les pénaliser encore davantage. Même si le Medef n’est pas content…
Mais la réforme des retraites est plus large que la durée de cotisation. L’essentiel de la réforme, c’est de créer un seul grand régime général qui intégrerait les 42 régimes spéciaux actuels. Un régime équitable, où chaque euro cotisé ouvrirait les même droit pour tous.
La plupart des fonctionnaires, les cheminots, les avocats et d’autres sont aujourd’hui inquiets. Emmanuel Macron a expliqué lundi soir que les enseignants, les aides-soignants, les infirmiers risquaient effectivement d’y laisser des plumes si on n’y prenait garde.
En fait, ce que l’on vient de comprendre, c’est que cette réforme que l’on croyait ficelée, n’est encore qu'à l’état de projet. On va débattre et négocier à partir de la semaine prochaine et rien ne sera vraiment décidé avant les municipales.