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"Expliquez-nous": qu'est-il reproché à Jean-Paul Delevoye?

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Jean-Paul Delevoye le haut-commissaire aux retraites a démissionné mardi de ses fonctions à la tête d’un think tank. C’est sa deuxième démission en 48 heures.

Jean-Paul Delevoye a démissionné deux fois en deux jours parce qu’il a deux problèmes: le premier c’est qu’il n’a pas déclaré une fonction bénévole dans le monde de l’assurance. Et le deuxième c’est qu’il il a déclaré une fonction rémunéré pour un groupe de l’enseignement privé alors qu’il était membre du gouvernement.

Jean-Paul Delevoye, nommé en septembre dernier, a dû faire une déclaration d'intérêt auprès de la haute autorité pour la transparence de la vie publique. C’est une obligation née après l’affaire Cahuzac, tous les ministres doivent déclarer leurs fonctions récentes, leurs revenus, tout ce qui pourrait les lier à des groupes d'intérêt, y compris par exemple les fonctions de leur conjoint.

Cette déclaration, Jean-Paul Delevoye l’a remplie lui-même, et rapidement parce qu’elle est bourrée de fautes de frappes. Il y déclare deux fonctions bénévoles, président de l’associations des orchestres de France et président de la fondation qui gère un monastère du Pas-de-Calais.

Puis il déclare une fonction rémunérée: 5.368 euros net par mois, pour présider un think tank c’est à dire un cercle de réflexion créé et financé par le groupe IGS, qui exerce dans l'éducation, l’apprentissage et la formation professionnelle.

Une faute pénale

Cette déclaration a été rendue publique samedi et l’on s’est aperçu que le haut-commissaire aux retraites avait "oublié" une autre fonction. Ce même groupe IGS avait désigné Jean-Paul Delevoye comme son représentant au conseil d’administration de l’institut de la formation de l’assurance. Et cette fonction n’a pas été déclarée, ce qui est une faute pénale.

Jean-Paul Delevoye a parlé d’un "oubli par omission", ce qui est un pléonasme. Il a reconnu que ce n’était pas "responsable" et dès lundi il a donc annoncé qu’il démissionnait de ce conseil d’administration avec effet immédiat. Pourtant cet "oubli"’ n’était sans doute pas le plus grave.

Le plus embêtant, ce n’est pas cette fonction non déclarée, c’est celle qui est déclaré: président du think tank Parallax pour ce salaire de 5.368 euros net. Salaire qu’il a gardé lorsqu’il est entré au gouvernement en septembre. Et c’est naturellement plus grave que l’oubli d’une fonction bénévole.

Parce que l’article 23 de la constitution est clair: les fonctions de membre du gouvernement sont incompatibles avec toute activité professionnelle. A ma connaissance, on n'a jamais vu un ministre qui avait gardé un autre métier et d’autre rémunération.

Jean-Paul Delevoye pourrait faire valoir que ce n'était pas vraiment une fonction et que ces 5.300 euro mensuels était plus une "rétribution", c’est ce que son cabinet a indiqué au magazine Capital en jouant sur les mots. Le problème c’est que sur sa déclaration d'intérêts il indique lui-même que ces sommes étaient une rémunération.

Anticor veut porter l'affaire devant la justice

Pour résumer: Jean-Paul Delevoye est payé 10.135 euros comme ministre. Il touche sa retraite du régime général, 1.500 euros environ, puisqu’il a 72 ans, c’est le doyen du gouvernement, il touche aussi plus sa retraite complémentaire comme ancien élu local, et ce cumul emploi retraite est parfaitement légal. Mais il touche surtout ces 5.300 euros du groupe IGS ce qui n’est pas légal.

Hier après-midi, Jean-Paul Delevoye a démissionné de cette dernière fonction et envisagé de rembourser les salaires perçus depuis septembre.

L’association Anticor veut porter l’affaire devant la justice. Cette association qui lutte contre la corruption demande à la haute autorité pour la transparence de la vie publique de porter plainte ou de signaler les faits au parquet financier. Le parquet peut aussi se saisir lui-même.

Pour le gouvernement, cela tombe particulièrement mal alors que le Premier ministre doit présenter à midi en détail la réforme des retraites. Et l’homme qui a préparé cette réforme depuis deux ans est soudain accusé d'être proche et en lien et même en lien financier avec le monde de l’enseignement privé et avec le monde de l’assurance. Le magazine Capital souligne que dans son think tank, il côtoyait une responsable du Medef, une directrice de Danone, un des patrons de l’agence pour l’emploi des cadres. Ce n’était vraiment pas la place d’un ministre en exercice…

Nicolas Poincaré