Hausse des jours de carences dans la fonction publique: "On revient taper sur les fonctionnaires"

C'est un vieux serpent de mer qui ressort. Face aux économies à réaliser, le gouvernement envisage d'aligner les fonctionnaires sur le privé en faisant passer le nombre de jours de carence d'un à trois. Concrètement, cela signifie trois jours d'arrêts-maladies sans rémunération, au lieu d'un pour l'instant, soit les mêmes conditions que dans le privé. La mesure permettrait de récupérer un peu plus d'1 milliard d'euros, alors que le gouvernement en cherche 60.
Une mesure qui ne ravit pas Marie, secrétaire administratif qui bénéficie du statut de fonctionnaire d'Etat: "Ils ont déjà essayé la journée de carence et ils se sont rendu compte que ça baissait les courts arrêts mais faisait exploser les longs arrêts-maladies", note-t-elle ce lundi sur le plateau des Grandes Gueules. Car en dix ans et l'introduction d'un jour de carence dans la fonction publique, le nombre de jours d'absence est passé de 43 millions de jours en 2014 à 77 millions de jours en 2022 (+80%).
"Qu'on nous aligne sur le privé, mais aussi sur les avantages"
"Chez les policiers, les aides-soignantes, des auxiliaires de puériculture, sages-femmes ou médecins, ils sont tellement en sous-effectif que le seul moyen de s'arrêter parce qu'ils n'en peuvent plus, c'est de se mettre en arrêt. Leurs congés sont refusés parce qu'il n'y a pas assez de monde", explique-t-elle sur RMC et RMC Story.
Marie s'interroge d'ailleurs au passage: les députés et sénateurs ont-ils eux aussi des jours de carence quand ils sont malades? "C'est le seul domaine où l'on peut se permettre de louper le boulot sans justificatif. Le seul où on peut se faire suspendre parce qu'on est addict, où on se met en retrait parce qu'on a essayé de droguer sa collège, et qu'on peut continuer à toucher son salaire", peste-t-elle.
"Je veux bien qu'on nous aligne sur le privé, mais aussi sur les avantages alors, le 13e mois, le CE, les tickets-restaurant et la part mutuelle", ajoute Marie.
Des enseignants prêts à venir malades
"On revient toujours taper sur les fonctionnaires", abonde Sébastien. Il a travaillé dans le public, mais aussi dans le privé, et est aujourd'hui jardinier-paysagiste et employeur: "Les personnes sont épuisées et ne sont pas remplacées. Et dans le privé, il y a de l'abus, je prends des saisonniers, je fais un CDD et au bout de deux jours, ils posent un arrêt-maladie pour toute la durée du contrat et vous ne pouvez rien faire".
Alors, ces jours de carence, "c'est une mauvaise idée pour taper sur tous les fonctionnaires", déplore Sébastien.
Enseignant depuis 15 ans, Kevin assure n'avoir jamais vu ses collègues prendre des arrêts de complaisance. Au contraire, il ne compte plus les profs qui viennent malades parce qu'ils savent qu'ils ne seront pas remplacés. "J'en ai vu venir malade avec 39 de fièvre pour gérer une classe de 25 CP. On veut faire la même chose sans prendre en compte la réalité individuelle de chaque métier", déplore-t-il.
Outre la mise en place de trois jours de carence, le gouvernement souhaite rembourser les arrêts maladie à 90% seulement, au lieu de 100% actuellement.