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"Hors de question de couper mes cheveux": faut-il une loi contre les discriminations capillaires?

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Contre les discriminations capillaires au travail, un député veut légiférer pour empêcher les employeurs de contraindre leurs salariés à se défriser les cheveux notamment.

Une loi pour lutter contre les discriminations capillaires? L'Assemblée nationale doit se pencher fin mars sur une proposition de loi du député guadeloupéen Olivier Serva (Liot), qui veut légiférer pour empêcher les employeurs de contraindre leurs salariés à se défriser les cheveux ou à dissimuler leurs coupes afros.

La proposition de loi veut ajouter à la liste des discriminations passibles de sanctions pénales celles relatives à "la coupe, la couleur, la longueur ou la texture des cheveux". Pour l'élu, les sanctions existantes en la matière (racisme, discriminations de genre ou en fonction de l'orientation sexuelle) ne suffisent pas à répondre à certaines discriminations à l'embauche.

Olivier Serva s'appuie sur une décision de la Cour de cassation de novembre 2022 à propos d'un steward d'Air France licencié pour ses tresses. Le règlement intérieur de la compagnie aérienne stipulait que les femmes pouvaient avoir des cheveux plus longs que l'encolure, mais pas les hommes. Le steward avait finalement eu gain de cause, pas au nom de la discrimination capillaire mais au nom de l'égalité homme-femme.

"C’est une question de santé publique: les femmes noires qui utilisent des produits pour se lisser les cheveux ont trois fois plus de chance d’avoir un cancer de l’utérus ou des fibromes", assure Olivier Serva à Jeune Afrique. "C’est aussi un problème de représentation au travail: deux femmes noires sur trois disent qu’elles doivent se lisser les cheveux pour aller à un entretien d’embauche. On ne peut pas s'en désintéresser", ajoute-t-il.

Le témoignage du jour - Joëlle Dago-Serry : "Avant, je me défrisais les cheveux. Dans ma génération, on n'assumait pas nos cheveux crépus" - 06/03
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Des injonctions à changer de coupe de cheveux

"Le défrisage capillaire, ça brûle la tête et le cuir chevelu", explique ce mercredi sur le plateau des Grandes Gueules Joëlle Dago-Serry. "Aujourd'hui, il y a une génération qui se défrise moins les cheveux et qui veut se rendre au travail comme elle est, avec ses coupes afros ou non", ajoute-t-elle.

Ces discriminations capillaires, Amayelle, policière dans le Nord, assure les avoir déjà vécues. "J'ai des dreadlocks et lorsqu'on a dû refaire des photos d'identité pour notre carte professionnelle, un message avait été ajouté en demandant de ne pas se présenter avec des cheveux exotiques", raconte-t-elle ce mercredi aux Grandes Gueules.

"J'ai demandé si ça m'était adressé et on m'a bien répondu que ma coiffure n'était pas adaptée. J'ai fait un scandale, j'ai dit qu'il était hors de question de couper mes cheveux, que je n'allais pas me lisser les cheveux pour faire plaisir à ma hiérarchie", assure la fonctionnaire.

"Il fallait que je vienne avec des cheveux 'corrects'"

"Je trouve ça dommage qu'on en vienne à devoir faire une loi", déplore de son côté Nana, qui a également vécu des discriminations capillaires: "Ma directrice de secteur pensait que le fait de mettre des perruques, de changer entre afro, dreads et tresses, j’avais une mauvaise hygiène capillaire et il fallait que je vienne avec des cheveux 'corrects'", explique-t-elle sur RMC et RMC Story.

La loi pourrait sanctionnerait toutes les discriminations capillaires: "J’ai déjà eu des patrons me demandant de couper mes cheveux", témoigne Pierre-André. "S’ils devenaient trop longs, on me demandait d’aller chez le coiffeur", ajoute-t-il.

La proposition de loi d'Olivier Serva s'inspire des Etats-Unis. Depuis 2019, en Californie, le "Crown act" (Create a Respectful and Open Workplace for Natural Hair, créer un environnement de travail respectueux pour les cheveux naturels, ndlr) sanctionne les discriminations capillaires. L'élu invoque également une étude britannique de 2009 selon laquelle une femme blonde sur trois se colorerait les cheveux en brun afin d'augmenter ses chances professionnelles.

G.D.