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Macron et les retraites: "s'il s'agit d'une attaque contre les régimes spéciaux, la CGT ne jouera pas cette partie-là"

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Parmi ses propositions dévoilées ce jeudi, Emmanuel Macron propose un régime de retraite universel alignant les salariés du public et du privé. Les contours de la mesure ne sont pas encore précis mais la CGT craint une paupérisation des retraités de la fonction publique.

Jean-Marc Canon est secrétaire général de la CGT-Fonction publique:

"S'il s'agit de faire en sorte que la retraite des fonctionnaires ne soit plus calculée sur les 6 derniers mois, mais sur les 25 meilleures années de leur carrière [comme pour les salariés du privé, ndlr], c'est un casus belli. Parce que le taux de retraite versé aux fonctionnaires baisserait de 40 à 50%! On voit bien que cela conduirait à une paupérisation massive des retraités de la fonction publique. Si c'est de cela dont on parle, la CGT sera vent debout. Ça conduira à une perte de pouvoir d'achat sans précédent des retraités de la fonction publique.

Je suis circonspect car sa proposition n'est pas très précise pour le moment. S'il s'agit comme on le soupçonne d'une attaque frontale contre les régimes spéciaux, la CGT ne jouera pas cette partie-là et appellera à se mobiliser contre une réforme qu'elle juge régressive et mettra en cause des principes de service public auxquels elle est fondamentalement attachée.

"Les régimes spéciaux ne sont pas plus avantageux par rapport au privé"

Pour bien comprendre ce dont on parle, il faut rappeler que le système des régimes spéciaux de retraites, notamment des fonctionnaires, n'est pas plus avantageux par rapport à celui du privé. La retraite des fonctionnaires est calculée sur les 6 derniers mois de salaire, et sur les 25 meilleures années pour le régime général. Mais des études montrent que dès lors qu'on met dedans tous les éléments qui concourent à la retraite, on a ce qu'on appelle le taux de remplacement, c’est-à-dire le rapport entre le dernier salaire d'activité et la retraite, qui est équivalent qu'on soit dans le public ou le privé.

Si, dans le privé, on calcule sur les 25 dernières années, on inclut aussi les primes. Il y a aussi dans le privé des régimes complémentaires de retraite obligatoires. Il n'y a aucun régime complémentaire de cet ordre dans la fonction publique. Dans le privé, on cotise sur l'ensemble des éléments servant à la rémunération alors que dans le public, on cotise seulement sur le traitement brut et donc on ne touche absolument rien sur les primes que l'on touche dans sa carrière. En moyenne quand on perçoit 100 euros dans la fonction publique, on perçoit 75% en salaire et 25% en primes. Donc lorsqu'on part avec une retraite, on touche au maximum 75%.

"Il y a déjà beaucoup de convergences"

Je rappelle aussi qu'avec les réformes successives l'âge de départ à la retraite est le même pour tous, le nombre d'annuités pour une retraite complète est de 42 ans pour tous, le taux de cotisation des fonctionnaires a été augmenté de manière drastique ces dernières années. Il y a déjà beaucoup de convergences.

En plus, ce qu'il propose n'est pas nouveau. Sous Sarkozy, Eric Woerth, alors ministre du Travail, avait déjà testé cette idée auprès des syndicats de fonctionnaires. L'idée était de passer à un calcul sur les 5,10 dernières années de travail au lieu des 6 mois pour se rapprocher par étapes du secteur privé. Mais eux-mêmes avaient vu que si on appliquait cette mesure, cela entraînerait un laminage du pouvoir d'achat des retraités de la fonction publique. Il fallait donc pour que ça ait un sens prendre des mesures complémentaires pour rehausser le niveau des retraites de la fonction publique, et il se sont rendus compte que ces mesures coûteraient plus cher que la reforme elle-même. Et que ça provoquerait une bronca de la part des fonctionnaires".

Propos recueillis par Paulina Benavente