Une ville révèle à quoi servent les impôts: "Je ne me réjouis pas de payer la crèche", tacle Charles Consigny

À quoi servent nos impôts ? À Château-Thierry une commune de 15.000 habitants de l'Aisne, le maire Sébastien Eugène a lancé une campagne d’affichage pour rappeler la réalité des coûts des services publics. Objectif : montrer que le prix payé par l’usager n’a rien à voir avec la dépense réelle de la collectivité.
"Un ticket de bus coûte 1,50 € à l’usager, mais 11,79 € à la collectivité. Pour une heure de crèche, les parents déboursent en moyenne 1,50 €, alors que le vrai coût s’élève à 13,53 €", détaille l’élu ce vendredi sur RMC. Autre poste de dépense, des cours de musique financés par la municipalité à 147 € l'année: coût réél 1986 €.
Pour lui, l’impôt est d’abord une affaire de solidarité : "On ne paie pas des impôts pour rien. C’est la preuve d’un système qui permet à chacun d’être aidé à certains moments de sa vie. Quand vos enfants sont à la crèche, vous êtes soutenus par la collectivité, qui elle-même est financée à travers l’impôt."
"À la fin, c’est toujours Nicolas qui paie"
Ce contraste nourrit un ressentiment, notamment chez les contribuables intermédiaires. Charles Consigny, avocat et chroniqueur, résume cette exaspération : "Si je suis très fiscalisé et que j’apprends que je finance une heure de crèche, je vais dire que je paie pour les autres. À la fin, c’est toujours 'Nicolas qui paie', déclare-t-il sur le plateau des Grandes Gueules, en référence à ce mouvement de contestation né sur les réseaux sociaux, lié à un ras-le-bol fiscal.
Pour lui, l’empilement des aides collectives décourage le travail: "Dans ce pays, tu ne paies ni ta crèche, ni ton bus, ni ton dentiste, ni ton école, ni ta cantine, ni ton université… À la fin, le travail n’est pas encouragé. Les patrons sont incités à laisser les salaires en bas puisque tout est pris en charge. Ça illustre l’ère soviétique dans laquelle on est", assène l'avocat.
Dans le JT de France 2 jeudi soir, l’économiste Gabriel Zucman a rappelé que "les milliardaires français paient peu, voire pas du tout, d’impôt sur le revenu", grâce à des sociétés holdings qui leur permettent de faire transiter leurs dividendes et d’échapper à l’imposition. En 2010, les 500 plus grandes fortunes possédaient 200 milliards d’euros. Aujourd’hui, elles en détiennent 1 200 milliards. Selon Gabriel Zucman, une taxation plus efficace de ces patrimoines rapporterait 20 milliards d’euros par an.
La classe moyenne, grande perdante ?
La classe moyenne supérieure, avec un revenu moyen de 2.200 € mensuels, paie environ 1.100 € d’impôt sur le revenu chaque année, sans compter la TVA, la taxe foncière ou les cotisations sociales. En 2023, ses impôts ont augmenté de 4 à 10 %, absorbant une partie des hausses de salaires, rappelle France 2.
Or, l’impôt sur le revenu ne représente que 7% des prélèvements obligatoires. Les recettes fiscales reposent surtout sur des taxes largement supportées par tous, comme la TVA ou la CSG.
Le maire Sébastien Eugène insiste: "Il est essentiel de savoir où va l’argent qu’on donne aux collectivités ou à l’État." Argument retoqué par Charles Consigny, qui estime que ce type de pédagogie risque d’aggraver le ras-le-bol fiscal : "Si tu es déjà exaspéré par l’impôt, tu ne vas pas te réjouir d’apprendre que tu finances la crèche des autres."