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Enfants de chômeurs exclus des cantines: les parents réclament une loi

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Le défenseur des droits, dont le rapport annuel a été publié ce jeudi, est régulièrement sollicité par des parents au chômage dont les enfants n'ont pas accès à la cantine. Problème, le projet de loi pour contraindre les mairies à leur ouvrir les portes des cantines a été retoqué par le Sénat.

Inscrire ses enfants à la cantine quand on est chômeur, un combat pour certains parents. Cette année encore, le défenseur des droits, Jacques Toubon, dont le rapport annuel est publié ce jeudi, a été régulièrement saisi par des chômeurs et des travailleurs précaires dont les enfants n’ont pas accès à la cantine scolaire. D’après la loi, une commune n’est pas tenue de proposer une cantine scolaire, mais à partir du moment où elle existe, elle est considérée comme un service public et doit par conséquent être ouverte à tous. Les communes concernées mettent en avant le manque de moyens et estime que les parents chômeurs sont à même d'accueillir leurs enfants à déjeuner.

"Une fois, ils m'ont même dit qu'il prenait ma fille mais pas mon fils"

RMC a rencontré Sabine, mère de trois enfants. A 43 ans, elle enchaîne les contrats de courte durée, sauf "qu'il faut avoir un CDI pour prétendre à la cantine", explique-t-elle. Grâce à l’intervention du défenseur des droits, Sabine a pu inscrire ses enfants à la cantine. Mais elle n'oublie pas la galère que la mairie lui a fait vivre. "Il fallait que j'appelle tous les jeudis pour savoir si le lundi on allait me prendre mes enfants à la cantine. Je me souviens qu'une fois, ils m'ont même dit qu'il prenait ma fille mais pas mon fils". Sabine a fini par contacter le défenseur des droits qui a rappelé sa commune à l’ordre.

Mathilde, habitante de L'Île-Saint-Denis, fait face au même problème. Elle ne pourra bientôt plus inscrire ses enfants à la cantine si elle ne renouvelle pas son CDD. Elle sait déjà ce que ça veut dire pour elle. "Ça veut dire que je dois pointer (sic) à l'école à 8h30, 12h00, 13h30 et 15h30 (pour récupérer les enfants). Ce n'est pas vraiment compatible avec une recherche d'emploi". Cette maman a rejoint un collectif, se refusant d'aller en justice pour obtenir gain de cause face à l'intransigeance de la mairie. "Jusque-là le collectif n'est jamais allé devant la justice, on a toujours essayé de discuter avec la mairie. En vain". Mathilde envisage donc de suivre l'exemple de Sabine et de solliciter le défenseur des droits. Elle espère surtout une loi qui règle le problème une fois pour toute.

"Ça n'est pas une discrimination pour les gens qui sont au chômage"

Cette loi contraignante, elle a été proposée par le député Roger-Gérard Schwartzenberg, du parti radical de gauche. Mais voté en mars 2015 à l’Assemblée nationale, elle a été rejetée en fin d'année par Les Républicains, majoritaires au Sénat. Leur argument : cette loi est inutile. "Les familles concernées peuvent demander à la justice un référé de suspension qui est extrêmement rapide", explique Jean-Claude Carle, sénateur Les Républicain de la Haute Savoie et rapporteur du texte au Sénat. Pour lui, "ça n'est pas une discrimination pour les gens qui sont au chômage". Il souligne que "les communes font aujourd'hui face aux baisses des dotations de l'État, et aux coûts engendrés par la réforme des rythmes scolaires", et que "ce texte de loi n'apporte rien et créé plus de problèmes qu'il n'en résout".

"Les chômeurs doivent être disponibles pour des entretiens d'embauches"

Mais Roger-Gérard Schwartzenberg, député du Val de Marne, ne désarme pas. Il promet que le texte va revenir prochainement à l'Assemblée pour une adoption définitive. "C'est l'Assemblée nationale qui a le dernier mot, donc nous voterons à nouveau ce texte dans les mois qui viennent". Rejetant l'argument de Jean-Claude Carle, il estime que "c'est très compliqué de former un recours devant une juridiction pour des parents souvent en situation précaire", d'autant que "les demandeurs d'emplois doivent être disponibles pour passer des entretiens d'embauches". "Il y a en France un enfant sur cinq qui appartient à une famille qui vit sous le seuil de pauvreté, et ces exclusions des cantines touchent souvent ces enfants-là", pointe-t-il.

Philippe Gril avec Jamila Zeghoudi