Entre Sarkozy et Fillon, c'est la haine.

« Le Parti pris » d'Hervé Gattegno, c'est tous les matins à 7h50 sur RMC du lundi au vendredi. - -
On ne sait pas si c’est un secret d’Etat ou un secret de Polichinelle : c’est quelque chose que la France entière a sous les yeux et que, pourtant, les intéressés s’acharnent à démentir. Enfin, officiellement. Parce qu’en coulisse, c’est l’horreur, ça flingue à tout va. Les proches de Nicolas Sarkozy rapportent les bordées d’injures du président envers le premier ministre, et à l’inverse, les habitués de Matignon – y compris quelques ministres – critiquent sans se cacher la stratégie dictée à l’Elysée pour reconquérir les voix du FN. C’est un différend politique qui se double d’un affrontement personnel. Sarkozy et Fillon ne se sont jamais aimés. Ils se tout juste appréciés. Aujourd’hui, c’est clair : ils se détestent. La voilà, la vraie « rupture » !
Est-ce que ça provoque forcément une crise au sommet de l’Etat ?
Non. La preuve, c’est qu’il y a déjà eu des cohabitations – y compris au sein d’un même camp ; rappelez-vous Mitterrand-Rocard. Mais ça a forcément des conséquences sur le moral et la discipline de la majorité. Il ne faut pas se tromper : si Jean-François Copé s’est permis, la semaine dernière, de reprocher publiquement à François Fillon son manque de solidarité dans l’affaire du débat sur l’Islam, c’est bien parce qu’il savait que ce reproche, il est formulé aussi à l’Elysée. Et en termes autrement plus violents… Raffarin non plus n’a pas eu l’idée tout seul de s’essuyer les pieds sur le premier ministre : il revenait d’un voyage en Chine… avec Sarkozy !
Si le Président n’a plus confiance en son premier ministre, il aurait été logique de le remplacer. Or Nicolas Sarkozy a choisi de le garder… C’était une erreur ?
C’est le point crucial. Je crois que Nicolas Sarkozy voulait vraiment se débarrasser de Fillon l’été dernier, mais qu’il n’a pas osé. Il a eu peur d’en faire un martyr devant l’opinion, d’accréditer le sentiment qu’il l’écartait parce qu’il était plus rigoureux, plus sage et surtout plus populaire que lui – ce qui est toujours le cas. Leur « deal » du mois de novembre, c’était que Fillon monterait un peu plus en première ligne pour préserver le président – a priori, ce n’était pas difficile de le faire plus. Eh bien, ça n’a pas tenu longtemps. Résultat : l’axe Borloo-Copé-Raffarin s’est reconstitué. Et comme il y a six mois, il réclame la tête de Fillon !
Ils peuvent l’obtenir ? Est-ce qu’un changement de premier ministre est envisageable avant l’élection présidentielle ?
Avec Nicolas Sarkozy tout est possible – c’était son slogan de campagne en 2007. Comme il a gardé Fillon quand tout indiquait qu’il allait le remplacer, il peut faire l’inverse. Disons que ce n’est pas le plus vraisemblable. Chasser Fillon aujourd’hui – ou à l’été, comme on l’entend dire ces jours-ci – ça reviendrait à officialiser la divergence au sein de l’UMP sur la ligne à tenir vis-à-vis du FN et du coup, ça ferait instantanément de Fillon un concurrent à droite – avec le risque que les sondages continuent de le placer devant Sarkozy. Donc la conclusion s’impose : il va falloir faire tenir l’attelage et la sauvagerie qu’on voit surgir s’explique par le fait que la guerre a commencé pour l’après 2012. Et peut-être même pour avant…
Ecoutez «le parti pris» de ce mardi 5 avril avec Hervé Gattegno et Jean-Jacques Bourdin: