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Epinal: "La justice la plus équitable? Les condamner à vivre notre quotidien"

Philippe Stabler fait partie des victimes de surirradiation

Philippe Stabler fait partie des victimes de surirradiation - THOMAS SAMSON / AFP

Le procès en appel des surirradiations à l'hôpital d'Epinal, le plus grave accident de radiothérapie recensé en France avec près de 450 victimes, s'ouvre mercredi après-midi à Paris. RMC a recueilli le témoignage de deux victimes. Poignant.

C'est le plus grave accident de radiothérapie recensé en France. Entre 2001 et 2006, à l'hôpital d'Epinal, près de 450 patients traités pour des cancers de la prostate ont été victimes de surdoses de radiation. Conséquence dramatique de dysfonctionnements au sein de l’hôpital. Bilan : 12 morts et 448 autres victimes qui souffrent de graves séquelles du système urinaire et anal. A partir de ce mercredi s'ouvre, à Paris, le procès en appel des deux anciens médecins de l'hôpital et du radiophysicien de cet établissement. Ils ont été condamnés à 18 mois de prison ferme en première instance en janvier 2013 pour homicides et blessures involontaires. Une épreuve de plus pour ces surirradiés que RMC a pu rencontrer.

C'est le cas pour Jean-Claude, 67 ans, qui vit à Fraize près d'Epinal. Il souffre de maux de ventre permanents, d’incontinence urinaire et de graves problèmes intestinaux. Sa préoccupation quotidienne comme il l'explique dans Bourdin Direct : "Savoir toujours quand on se déplace où est-ce qu'on va pourvoir trouver des toilettes parce que je suis confronté à un problème appelé l'impériosité de la défécation. Ce qui est tout de même assez stressant". Jean-Claude confie un autre détail quelque peu singulier de son quotidien : "Un surirradié a toujours son sac de rechange avec lui quand il se déplace."

"Je vais à la selle entre 4 et 7 fois par jour"

Sur RMC, il assure devoir "avec un handicap mais c'est un handicap qui ne se voit pas donc les gens n'imaginent pas ce que l'on vit au quotidien". A savoir, "des douleurs intestinales, des intestins qu'on ne maîtrise plus, des saignements…". Tout cela est "extrêmement douloureux". Philippe Stäbler, président de l'Association vosgienne des surrirradiés de l'hôpital d'Épinal (AVSHE) et victime lui-même de surrirradiations après un cancer de la prostate, raconte lui aussi son quotidien "perturbé".

"Entre janvier et mars 2066, j'ai fait 35 séances de rayons. Depuis, je n'ai pas eu une seule journée de répit… Chaque jour, à cause de ces rayons, je vais à la selle entre quatre à sept fois et plus de 10 à 20 fois pour aller uriner. Mais le plus pénalisant, c'est la douleur permanente, 24/24h" confesse-t-il. Problème, s'il existe bien des soins, "aucune guérison n'est possible".

"Si c'est la même chose, c'est bien mais si c'est plus, j'aurai le sourire"

C'est pourquoi ces deux hommes tiennent absolument à ce nouveau procès. Et ce "même si on replonge dans nos souvenirs, même si on va réexposer nos souffrance, même si on va se remettre à nu devant un tribunal" assure Philippe Stäbler. Et de poursuivre : "On ne comprendrait pas, nous victimes, que les trois personnes désignés coupables en première instance soient acquittées en appel. On ne peut même pas l'imaginer !" En revanche, "si c'est la même chose (la même condamnation, ndlr), c'est bien mais si c'est encore plus, j'aurai le sourire".

Jean-Claude, pour sa part, dit "appréhender" les cinq semaines de procès qui arrivent. "Cela va être dur physiquement et émotionnellement" certifie-t-il. Pourquoi? "Car il va encore falloir entendre que ces médecins sont de belles personnes qui ont passé leur vie à sauver des vies humaines. Ce qui est probablement vrai mais dans notre cas, ils se sont trompés lourdement même s'ils refusent de le reconnaître". Pour lui, "la justice la plus équitable serait de condamner ces personnes à vivre ce qu'on vit au quotidien".

Maxime Ricard avec Amélie Rosique