Et pourquoi pas une taxe sur la démagogie ?

Le Parti Pris d'Hervé Gattegno, tous les matins à 8h20 sur RMC. - -
S’il y a un domaine sur lequel personne n’est prêt à économiser, c’est la démagogie, la fausse empathie avec ceux qui souffrent de la crise et à qui on demande des efforts. Je ne veux pas dire que nos politiques sont tous hypocrites et qu’ils se désintéressent des problèmes des Français – ce n’est pas le cas; mais il faut avoir l’honnêteté de dire que réduire le traitement des élus ou des ministres ne règlerait rien à nos déficits ni à notre endettement. En Espagne, M. Zapatero – qui était déjà l’un des dirigeants européens les moins bien payés – a baissé sa rémunération de 15 % ; ça n’a pas amélioré la situation de son pays.
Certains avancent l’argument de l’exemplarité : les politiques ne devraient-ils pas faire eux aussi des efforts ?
Je sais bien que je ne vais pas me faire que des amis en disant cela mais ils en font déjà ! Le principal effort, c’est qu’ils paient des impôts – et pour ceux qui dont la rémunération est importante (ministres, parlementaires, grands élus), ils en paient même beaucoup. C’est normal. Alors c’est vrai qu’une partie de leurs indemnités sont assimilées à des frais et donc ne sont pas imposables – mais c’est le cas dans beaucoup de professions. Mais les ministres et les députés paieront la TVA comme les autres et leurs prestations sociales vont diminuer comme celles de tout le monde. A part ça, l’exemplarité dont il est question n’en est pas une : en France, les salaires des fonctionnaires n’ont pas été baissés. Est-ce qu’on veut suggérer qu’après les politiques, c’est leur tour qui viendra ?
Peut-être qu’il faut avoir le courage de poser la question qui fâche : nos élus et nos gouvernants sont-ils trop payés ?
Là, nous sommes au cœur du sujet. C’est évidemment le sous-entendu de ce débat absurde – et je maintiens qu’il est démagogique et qu’il alimente l’antiparlementarisme. Les politiques français ne sont pas mieux payés que leurs homologues européens – pas même le président, dont les 19 000 euros mensuels sont un peu inférieurs au revenu de Mme Merkel et un peu supérieurs à ceux de D. Cameron. Peut-être qu’on pourrait suggérer de payer les dirigeants au mérite, à la performance ; mais je ne crois pas que toute la fonction publique y soit prête en France. Les salariés du secteur privé non plus d’ailleurs ; tout le monde est pour l’intéressement et les primes – mais personne n’est prêt à accepter des malus quand l’entreprise fait des pertes…
Une autre solution qui est souvent avancée, c’est la limitation du cumul des mandats, voire le mandat unique. Est-ce que ce serait efficace ?
Pour revigorer la démocratie, oui. Pour les finances publiques, non. Pour une raison simple : les indemnités des élus qui ont plusieurs mandats sont plafonnées. Alors que si chaque mandat est détenu par un élu différent, l’intégralité des traitements est versée et ça revient plus cher. Ce qui restaurerait aussi le crédit de nos élus, ce serait d’éviter le spectacle lamentable vu à l’Assemblée hier, avec injures, claquements de pupitres et boulettes de papier. A voir ces images, c’était difficile de penser qu’on était au Parlement d’une des grandes puissances mondiales en pleine crise économique. Un peu de dignité profiterait à tout le monde. Et ça ne coûte pas un sou.