Et si les profs mettaient le pied en entreprise ? Un rapport fait 40 propositions pour y arriver

- - AFP
Que les profs découvrent la vraie vie… de l'entreprise. C'est l'ambition d'une ancienne sénatrice du Rhône, Christiane Demontès, chargée par le gouvernement de l'évaluation des partenariats entre l'éducation et le monde économique. Son rapport a été rendu public mardi par le ministère de l'Éducation et fait 40 propositions pour une vraie relation entre l'école et les entreprises, deux mondes aujourd'hui plutôt éloignés. Parmi ses propositions : instaurer un stage obligatoire en entreprise pour les futurs chefs d'établissements, ou encore détacher les enseignants de un à six mois, pour une immersion dans le privé, dans le monde de l'entreprise.
"Ils n'ont pas connu d'autres univers professionnels"
Des idées immédiatement approuvées par Philippe Tournier, secrétaire générale du SNPDEN, principal syndicat de proviseur. "Ce qui peut être intéressant c'est qu'une grande partie des gens qui travaillent dans l'éducation n'ont pas connu d'autres univers professionnels, relève-t-il sur RMC. Un tel dispositif leur permettrait de mieux connaître les différents univers du travail dans la mesure où la majorité de leurs élèves seront dans un monde professionnel différent de l'éducation".
S'il se réjouit de ce pied dans la porte de l'entreprise, Philippe Tournier a quelques doutes toute de même sur la faisabilité à grande échelle de ce projet. "Il faut voir concrètement comment les choses se passeraient, car quand on fait la somme aujourd'hui de tous les gens qui doivent partir en stage, on s'aperçoit qu'on a des difficultés à trouver (des places). En France, il n'y a pas de tradition (d'accueil des stagiaires), comme il y en a en Allemagne par exemple. La preuve en est que cela a existé dans notre pays et que cela été abandonné". En effet, ce principe de stages en entreprise pour les enseignants existait dans les années 1970, avant d'être petit à petit oublié.
"Je veux pouvoir parler concrètement des choses à mes élèves"
Quelques irréductibles profs continuent toutefois à s'immerger un temps en entreprise. RMC a rencontré Sandrine qui, depuis 4 ans, délaisse chaque année la cours de récréation. Fini sa salle de classe de technologie dans un collège de Seine-Saint-Denis, durant une semaine, direction le monde de l'entreprise.
"On se doit de former l'élève sur la découverte du monde des métiers, de l'entreprise, et je ne pense pas qu'on puisse trouver ça uniquement dans les livres", explique-t-elle pour justifier ses escapades.
Des expériences dans l'industrie, dans les nouvelles technologies ou le monde de l'édition. Pour ensuite en faire profiter ses élèves. "Je leur fais un bilan, ce que j'ai appris, les métiers que j'ai découverts, et ils apprécient. Je leur explique que je n'ai pas beaucoup connu le monde professionnel et que je veux pouvoir leur parler des choses de façon plus concrètes".
"On part de loin"
Rapprocher éducation et entreprise, une évidence donc pour cette enseignante. Mais aussi pour Laurent Pewzner, patron d'une PME, spécialiste de Relations Humaines. Il a récemment accueilli trois professeurs dans ses murs. "Ça a été une expérience vraiment riche", s'enthousiasme-t-il. Mais il reconnaît : "On part de loin. La première enseignante que j'ai accueillie voulait voir ce qu'était l'autorité, comment un chef d'entreprise allait manager un employé. Or ce n'est pas du tout une histoire d'autorité, c'est une histoire de communication et ça, elle l'a découvert".
Lui aussi assure s'y retrouver: les questions des enseignants remettent parfois en question sa gestion, et surtout, il a le sentiment qu'avec ce genre de dispositif, le monde de l'entreprise ne restera pas longtemps abstrait pour les plus jeunes. Reste donc maintenant au gouvernement de passer de la théorie à la pratique.