Explosion des "sex-tours" en France: quand des prostituées font la tournée des villes de province

Le phénomène des "sex-tours" se développe en France - AFP
Sur Internet, elles se font appeler Carmina, Adria ou Nelly et se prétendent "masseuses de passage". Et pour prendre rendez-vous un simple coup de téléphone suffit. Immédiatement, les tarifs sont évoqués: "Une heure, 150 euros; une demi-heure 100 euros et vingt minutes, 80 euros". Ce phénomène s'appelle "sex-tour". Arrivé en France en 2011-2012, il est de mieux en mieux organisé et prend de plus en plus d'ampleur. A tel point que ces filles (originaires essentiellement d'Europe de l'Est, de Chine et d'Amérique latine) sont aujourd'hui environ 20 000, soit deux fois plus que les prostituées de rue, selon l'Office pour la répression de la traite des êtres humains.
"C'est comme commander une paire de chaussures sur Internet"
"Ce sont des réseaux de proxénétisme qui vont déplacer des prostituées de ville en ville, principalement en province plus qu'à Paris, explique Grégoire Théry, du Mouvement du Nid (mouvement qui prône l'abolition de la prostitution, ndlr). Les clients prennent rendez-vous sur Internet. Il tombe sur un système très bien rôdé avec un standardiste, des gens qui prennent les rendez-vous, les hôtels sont déjà réservés… C'est comme commander une paire de chaussures ou de la musique sur Internet".
Ces prostituées sont plus chères que les filles de la rue. Leur "rentabilité" est donc aussi plus élevée: en moyenne, elles "rapportent" chacune 10 000 euros par mois - dont elles conservent entre 30 et 70% suivant les frais engagés. Mobiles, elles ne restent qu'une ou deux semaines dans chaque ville, ce qui complique le travail de la police comme l'explique le commissaire Jean-Marc Droguet, chef de l'Office pour la répression de la traite humaine.
"Ces annonces ne tombent pas sous l'objet de la loi"
"Cela freine un peu la détection car lorsque les hôteliers ou les propriétaires de meublés comprennent le manège, souvent les victimes quittent les lieux. Mais cela permet aussi au réseau de garder une mainmise sur les victimes, éviter un ancrage sur un territoire. Cela évite à la prostituée d'avoir une clientèle d'habitués. Et enfin c'est une prostitution souvent à l'abri des regards, avec un confort plus important qu'une prostitution 'classique', une prostitution de rue".
Alors qu'une proposition de loi renforçant la lutte contre la prostitution est débattue ce vendredi en seconde lecture à l'Assemblée, elle ne devrait rien y changer. En effet, ces petites annonces sont tout à fait légales comme le souligne le commissaire: "Ces sites proposent souvent des prestations de massages en ne faisant jamais référence à des prestations sexuelles. Dès lors, ces annonces ne tombent pas sous l'objet de la loi". A noter qu'il y a trois semaines un réseau roumain a été démantelé : il rapportait deux millions d'euros annuels aux proxénètes.