Faut-il avoir peur des jeunes de banlieue? Thomas Guénolé tord le cou aux idées reçues

Des policiers contrôlent des jeunes dans une banlieue. (Photo d'illustration) - Gérard Julien - AFP
Il veut tordre le cou aux idées reçues. Dans son livre au titre évocateur (Les jeunes de banlieue mangent-ils les enfants ?, éditions Le bord de l'eau), le politologue Thomas Guénolé tente de casser l'image particulièrement négative des jeunes de banlieue auprès des autres Français. "Dans l'imaginaire collectif, et tel qu'on le représente dans un certain nombre de médias, au cinéma et chez un certain nombre d'éditorialistes, le jeune de banlieue est un monstre mythologique", critique Thomas Guénolé.
Son portrait-robot fantasmé ? "C'est un grand gaillard arabe ou noir, mal rasé, âgé de 15 à 25 ans, avec un jogging à capuche. Il a un cocktail molotov dans une main et un couteau dans l'autre. Il est violeur de fille dans les caves. Il pratique l'islam radical, il fraude les allocs, il deale de la drogue et il rêve de devenir jihadiste. Il déteste la France, l'ordre et tout le monde". "Vous vous rendez compte, il a des journées de dingue", ironise Thomas Guénolé.
Tous des délinquants ?
Selon les chiffres des ZUS, les Zones urbaines sensibles, un million de jeunes vivent dans des banlieues en France. "S'ils brûlaient tous des voitures, il n'y aurait plus de voitures en France", raille le politologue. Avant de préciser : "Si on prend en compte les criminels, les délinquants et ceux qui sont dans des bandes, ça représente 2% des jeunes de banlieues. 98% d'entre eux ne sont ni des délinquants, ni des criminels. Et puis la moitié des jeunes de banlieue sont… des filles".
Mais alors pourquoi une telle image ? A cause des médias notamment, et même du cinéma. "S'il y a 2% de délinquants ou de criminels, ils représentent 2/3 des jeunes de banlieue au cinéma français. Dans Intouchables par exemple, Omar Sy joue le rôle d'un jeune de banlieue qui est un délinquant à l'origine et dont le petit frère est en passe de rejoindre un gang".
Tous des islamistes radicaux ?
"On a l'impression que l'islam se radicalise en France, mais il y a une désislamisation des Français musulmans qui est en cours, assure Thomas Guénolé. La moitié des musulmans de plus de 50 ans vont à la mosquée le vendredi, mais moins d'un tiers des 18-24 ans la fréquente, et ça continue à diminuer. Les jeunes musulmans vont de moins en moins à la mosquée. 85% des jeunes femmes musulmanes ne mettent jamais le voile. La grande masse des jeunes français musulmans sont de moins en moins croyants, et puis une petite proportion devient intégriste, et dedans une poignée de personnes veulent poser des bombes".
Tous des fainéants ?
S'ils sont plus particulièrement touchés par le chômage, les jeunes des quartiers ne sont pas pour autant des "fainéants", défend Thomas Guénolé. "En Ile-de-France, quand vous regardez la France qui se lève très tôt pour faire des boulots dont personne ne veut, vous avez énormément de jeunes de banlieue : des ouvriers non qualifiés, des livreurs, des femmes de ménage. La moitié à peu près font des boulots extrêmement précaires dont personne ne veut. L'autre moitié galère ou ne trouve pas de boulot".
Le politologue, également enseignant à Sciences-Po, met en avant le "problème de ségrégation scolaire colossale". "8% des jeunes de banlieue vont en 1ère S – la voix royale en France, alors que c'est 20% pour la moyenne nationale".