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Grigny: le casse-tête de la mosquée 100% française

La construction de mosquée a été un des thèmes abordés ce lundi par l'instance de dialogue entre gouvernement et personnalités de la communauté musulmane, réunie pour la première fois au ministère de l'Intérieur. Des mosquées qui hésitent entre financements étrangers ou uniquement par don français.

Responsables d'associations, imams, recteurs de mosquées, théologiens, islamologues ou personnalité de la société civile… 150 musulmans se sont rendus au ministère de l'Intérieur, à Paris, sur invitation du gouvernement et du Premier ministre Manuel Valls, pour mettre sur pied une instance de dialogue avec l'islam en France. Une instance dont la création avait été annoncée quelques semaines après les attentats jihadistes de janvier, et qui se veut plus audible que le Conseil Français du Culte Musulman, très critiqué par la communauté musulmane et qui souffre de ses divisions internes. Tout en conservant le CFCM, le gouvernement espère aujourd'hui élargir son cercle d'interlocuteur au sein de cette communauté pour avancer sur des questions délicates: la formation des imams, les pratiques rituelles ou encore l'islamophobie.

"On ne veut pas se voir imposer des imams"

Parmi les sujets abordés lors de cette réunion, la question de la construction et de la gestion des mosquées, qui sont au nombre de 2.500 (simples salles de prière comprises) et qui ne peuvent être financées par l'État en vertu de la loi de 1905. 350 projets de construction sont en cours. Des projets très coûteux, parfois financés par des pays étrangers. Face à la demande des fidèles certaines associations musulmanes acceptent des gros chèques venus du Qatar, d'Arabie Saoudite ou de pays du Maghreb.

Mais certaines résistent. C'est le cas de l'association musulmane de Grigny, dans l'Essonne qui construit sa mosquée uniquement avec des fonds français. Dans ce projet de 4,5 millions d'euros, pas le moindre centime ne vient de l'étranger. Trop risqué pour l'indépendance de la mosquée. "On ne veut pas se voir imposer des imams, ou une façon d'aborder la religion. Le choix était d'être totalement indépendant, explique Mathieu Pavlak, de l'association des musulmans de la ville. Ce n'est pas la voix la plus facile d'être indépendant, mais à long terme c'est payant".

Un projet vieux de... 12 ans

Sauf que l'indépendance a un coût : la patience ! Cela fait 12 ans que le chantier de la mosquée de Grigny est en projet. Aujourd'hui, deux ans après le début des travaux, seuls les murs sont terminés, et ce grâce à des milliers d'heures de collecte. "Des petites pièces, des grandes pièces, des chèques… Il y a des gens qui donnent des chèques de 1.000, 2.000 ou 3.000 euros", raconte Brahim Agouram, qui pilote ce projet. Et tout le monde participe : "Il y a des enfants qui font des petites tirelires, et ça leur fait plaisir", sourit-il.

Tous ces dons sont déposés sur un compte et contrôlés par un organisme indépendant. Et c'est justement pour éviter ce travail de fourmi, que d'autres mosquées se tournent vers l'étranger. "Ils peuvent être tellement dans l'impasse..., excuse Mathieu Pavlak. Un chantier qui est stoppé, des pressions des autorités locales pour dire 'quand est-ce que vous allez finir cette mosquée ?'… Ils tentent tout ce qu'ils peuvent pour récolter des sous et finissent par démarcher des États".

Pourtant, malgré cette solution de simplicité, de plus en plus d'associations suivent l'exemple de Grigny, avec des projets 100% français pour répondre à la demande des fidèles.

Philippe Gril avec Céline Martelet