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Hollande n'a pas à se plaindre !

Hervé Gattegno

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Vous avez suivi la conférence de presse de François Hollande hier à l’Elysée. Aucune annonce n’était véritablement surprenante mais c’est plutôt le ton qui vous a frappé. "François Hollande n’a pas à se plaindre !" : vous voulez dire qu’il n’est pas si maltraité qu’on le dit ?

Il a été rudoyé, parfois bousculé par des questions directes, sèches, mais c’est le jeu – et la presse est d’autant plus coriace que le Président est affaibli. Ce qui est nouveau, c’est que François Hollande était sur le registre de la plainte, du lamento. Il a fait une de ses fameuses anaphores pour souligner à quel point il n’est "pas facile" de réformer, de réduire la dépense publique, de satisfaire ses électeurs… Mais personne n’a jamais pensé que gouverner était une sinécure – sauf peut-être lui-même, avant d’être à l’Elysée. En janvier, il avait admis une erreur de diagnostic sur la crise. Cette fois, je l’ai trouvé désabusé, fataliste, abattu par moment. Son bilan présente un énorme passif ; lui-même avait l’air étrangement passif.

L’un des objectifs annoncés de cette conférence de presse était la "clarification" de sa politique – comme Manuel Valls l’avait dit deux jours plus tôt. Vous pensez que François Hollande y est arrivé ?

Pas du tout. Ce que François Hollande a officialisé, c’est l’abandon de l’objectif des 3% de déficit avant 2017 – donc ce n’est pas une clarification mais une renonciation. Il a d’ailleurs précisé qu’il n’irait pas au-delà des 50 milliards d’économies annoncés et qu’il se fait fort d’en convaincre les Allemands. C’est ce que lui demande depuis des mois une partie de sa majorité (pas seulement les « frondeurs ») ; et c’est ce que réclamait Arnaud Montebourg pour pouvoir financer des baisses d’impôts – du coup, on se demande bien pourquoi il a fallu le virer de Bercy puisque c’est exactement ce que font François Hollande et Manuel Valls. Ça veut dire qu’il y a eu un tournant à droite, puis un tournant à gauche ; donc on est revenus au point de départ.

L’autre moment important, c’est lorsque François Hollande a parlé de la fonction présidentielle en disant qu’elle est "exceptionnelle" et que l’exercice du pouvoir l’a rendu plus dur. Ça sonnait juste ?

Plutôt, mais là encore, François Hollande devait être le seul à ne pas le savoir. Qu’il se soit endurci, tant mieux –son inexpérience du pouvoir a été l’un de ses principaux handicaps, plus l’impréparation et l’idée absurde de la "présidence normale". Là où il est encore dans la contradiction, c’est quand il explique qu’il s’est volontairement laissé tremper comme une soupe sur l’île de Sein ou ailleurs parce qu’un Président n’a pas à être protégé – alors que quand il ruisselle et qu’il a de la buée sur les lunettes, c’est la fonction qui dégouline. Disons qu’à force de jouer le président tout-le-monde, François Hollande a fini par ne plus impressionner personne.

La question lui a été posée plusieurs fois de savoir s’il irait jusqu’au terme de son mandat et s’il peut renoncer à se représenter ? Est-ce que ses réponses vous ont paru satisfaisantes ?

Il a dit la seule chose qu’il pouvait dire : il ira jusqu’au bout de son quinquennat et d’ici-là, il est président et pas candidat – il avait sûrement préparé cette formule pour trancher avec celui qui va redevenir candidat après avoir été président… La logique démocratique est qu’il est élu pour cinq ans ; ce qui pose un problème de légitimité, ce n’est pas son pouvoir, c’est sa politique (qui a tourné le dos à sa campagne et à son électorat). C’est ce qui fait qu’il bat des records d’impopularité et qu’on se pose la question de sa survie alors qu’il n’est même pas à mi-mandat. François Hollande a dit hier : "J’irai jusqu’au bout" ; mais il a de plus en plus l’air d’un président à bout.

Hervé Gattegno