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Corée du Sud: le président déclare par surprise la loi martiale, les activités politiques interdites

Des soldats tentent de pénétrer dans le bâtiment de l'Assemblée nationale à Séoul, le 4 décembre 2024, après que le président sud-coréen Yoon Suk Yeol a déclaré la loi martiale.

Des soldats tentent de pénétrer dans le bâtiment de l'Assemblée nationale à Séoul, le 4 décembre 2024, après que le président sud-coréen Yoon Suk Yeol a déclaré la loi martiale. - Jung Yeon-je / AFP

Le président de la Corée du Sud a déclaré par surprise la loi martiale ce mardi 3 décembre 2024 à l'occasion d'une allocution télévisée improvisée. Les Etats-Unis ont partagé leur "inquiétude" par rapport à la situation et dit espérer une issue qui respecte "l'Etat de droit".

Le président sud-coréen Yoon Suk Yeol a proclamé mardi 3 décembre 2024 la loi martiale, une décision contestée dans la foulée par un vote de l'Assemblée nationale, où l'opposition est majoritaire et devant laquelle des manifestants se sont rassemblés à son appel. L'armée a cependant prévenu qu'elle ferait appliquer la loi martiale, jusqu'à ce qu'elle soit levée par le président.

"Pour protéger la Corée du Sud libérale des menaces posées par les forces communistes nord-coréennes et éliminer les éléments hostiles à l'Etat (...), je déclare la loi martiale", a déclaré le président en direct dans une allocution télévisée surprise.

Les médias placés sous surveillance

La loi martiale n'a plus été instaurée en Corée du Sud depuis le processus de démocratisation enclenché à la fin des années 1980. "Sans se soucier des moyens de subsistance du peuple, le parti d'opposition a paralysé le gouvernement (...) pour protéger son leader de poursuites judiciaires", a accusé le président.

Toutes les activités politiques ont été interdites et les médias sont placés sous la surveillance du gouvernement, a déclaré le chef de l'armée Park An-su dans un communiqué. Des hélicoptères ont atterri sur le toit du parlement à Séoul, d'après des images en direct diffusées par les chaînes de télévision.

Le chef de l'opposition sud-coréenne Lee Jae-myung a qualifié la loi martiale d'"illégale" et a appelé la population à se rassembler devant le parlement en signe de protestation.

"L'imposition illégale de la loi martiale par le président Yoon Suk Yeol est invalide", a déclaré M. Lee, qui a perdu de justesse face à Yoon lors des élections de 2022. "Venez à l'Assemblée nationale maintenant. Je m'y rends également", a-t-il ajouté.

Ce document du bureau présidentiel sud-coréen, pris le 3 décembre 2024, montre le président sud-coréen Yoon Suk Yeol prononçant un discours pour déclarer la loi martiale à Séoul.
Ce document du bureau présidentiel sud-coréen, pris le 3 décembre 2024, montre le président sud-coréen Yoon Suk Yeol prononçant un discours pour déclarer la loi martiale à Séoul. © Handout / South Korean Presidential Office / AFP

"Ouvrez la porte !"

Des centaines de personnes ont entendu son appel, affluant devant le Parlement, à partir d'une heure du matin (16h GMT), chantant "Arrêtez Yoon Suk Yeol". "J'ai d'abord cru que c'était une information bidon, je ne pouvais pas croire à la loi martiale. Après, j'ai décidé de venir ici pour protéger la démocratie, pas seulement pour nous mais aussi pour nos enfants", a déclaré à l'AFP dans la foule Lee Jin-hwa, 48 ans.

Quelque 190 députés sont parvenus à entrer dans l'Assemblée, après en avoir été brièvement empêchés par des soldats qui ont fini par quitter les lieux. Ils ont voté à l'unanimité en faveur d'une motion bloquant l'application de la loi martiale et appelant à sa levée.

"Sur les 190 députés présents, 190 se sont prononcés en faveur de la résolution demandant la levée de la loi martiale, qui est donc adoptée", a déclaré le président de l'Assemblée nationale, Woo Won-shik.

"L'armée fera respecter la loi martiale jusqu'à sa levée par le président", a immédiatement réagi l'état-major selon des médias locaux. Les États-Unis et le Royaume-Uni ont dit leur inquiétude, tandis que la Chine a appelé ses concitoyens en Corée du Sud à la "prudence".

"Nous observons avec une grande inquiétude les récents développements" en Corée du Sud, a déclaré Kurt Campbell, adjoint du secrétaire d'État américain. "Nous espérons et attendons que les différends politiques soient résolus pacifiquement et dans le respect de l'État de droit".

Le Parti du Pouvoir au Peuple de M. Yoon continue de batailler avec le principal parti d'opposition, le Parti Démocrate, sur le projet de budget de l'année prochaine.

"Refuge de criminels"

Les députés de l'opposition ont approuvé la semaine dernière, à travers une commission, un programme budgétaire considérablement réduit. "Notre Assemblée nationale est devenue un refuge de criminels, un repaire de dictature législative qui cherche à paralyser les systèmes administratif et judiciaire et à renverser notre ordre démocratique libéral", a affirmé M. Yoon pour justifier l'instauration de la loi martiale.

Il a accusé les élus de l'opposition de couper "tous les budgets essentiels aux fonctions premières de la nation qui sont la lutte contre les crimes liés à la drogue et le maintien de la sécurité publique (...) transformant le pays en un paradis de la drogue et en un lieu de chaos pour la sécurité publique".

M. Yoon a poursuivi en qualifiant l'opposition, qui détient une majorité au Parlement, de "forces hostiles à l'Etat ayant l'intention de renverser le régime". "Je rétablirai la normalité dans le pays en me débarrassant de ces forces hostile à l'Etat dès que possible", a ajouté le président sud-coréen, dont la cote était en chute libre dans les sondages.

La loi martiale n'avait plus été instaurée en Corée du Sud depuis le processus de démocratisation enclenché à la fin des années 1980, y compris à des périodes de vives tensions, comme en 2016, lorsque des millions de manifestants ont obtenu la destitution de la présidente Park Geun-Hye, sur fonds de scandale de corruption. Elle avait été décrétée pour la dernière fois le 17 mai 1980, lors du coup d'Etat militaire du général Chun Doo-hwan.

Le lendemain, des centaines de milliers de personnes étaient descendues dans les rues de Gwangju (Sud-Ouest), haut lieu traditionnel de la contestation, pour protester contre le coup d'Etat. M. Chun voulait remplir le vide du pouvoir après l'assassinat du dictateur Park Chung-hee. Les manifestations avaient été réprimées dans un bain de sang. La loi martiale avait été levée en janvier 1981.

G.D. avec AFP