Guerre en Ukraine: les Etats-Unis vont livrer à Kiev des bombes à sous-munitions

Les Etats-Unis ont décidé de livrer à l’Ukraine des bombes à sous-munitions. Ce sont des armes controversées, interdites par de nombreux pays dont la France. Il n’existe pas d’armes propres, mais il existe des armes plus sales que les autres. C’est le cas des bombes à sous-munitions, les “Cluster bombs” en anglais. Celles que les Américains vont fournir à l'Ukraine sont des obus de 155 millimètres, tirés par un canon ou par un char, avec une portée de 22 kilomètres. Des obus qui explosent non pas sur un objectif au sol, mais en l’air, relâchant alors de nombreuses bombes plus petites qui s'éparpillent sur un périmètre assez large. Chaque obus libère 88 bombes qui peuvent tout détruire, aussi bien les soldats que les chars, sur une zone de 5 km sur 5. C’est ravageur…
Pourquoi ces armes sont plus dangereuses que d’autres? Parce qu'elles ont ce qu’on appelle un taux de ratage. C'est-à-dire que toutes les sous-munitions n’explosent pas. Et celles qui n’explosent pas deviennent des mines, des dangers pour les populations civiles, tout de suite ou bien plus tard. Dans cinq ans, dix ans, quinze ans, il y aura des agriculteurs, des promeneurs, des enfants qui sauteront sur ces sous-munitions non explosées.
C’est ce qui se passe dans tous les pays où ses armes ont été utilisées. "Handicap international" cite les exemples du Laos ou du Vietnam, où des bombes lancées à la fin des années 1960 et au début des années 1970 continuent aujourd’hui à tuer et à mutiler. Les victimes de ces armes sont des civils à 97%, et 36% sont des enfants… Des zones entières peuvent devenir inhabitables pendant plusieurs décennies. C’est ce qui risque de se passer en Ukraine.
Depuis 2008, la convention d’Oslo signée par plus d’une centaine de pays, dont la France et presque tous les pays européens, interdit à tous les pays signataires de produire ces armes, de les employer, de les stocker, de les exporter. Et elle prévoit au contraire que ceux qui en possédaient devaient les détruire.
Le problème, c’est que ni les Etats-Unis, ni l'Ukraine ni la Russie n'ont signé ce traité. Les Etats-Unis ont bien une loi qui interdit d’exporter des bombes à sous-munitions. Mais le président américain est autorisé à passer outre lorsque l'intérêt national des Etats-Unis est en jeu. Et c’est ce que Joe Biden vient de faire…
La France ne condamne pas
Quel est l'intérêt des Américains dans cette affaire? Toujours le même depuis le début de la guerre: soutenir l’Ukraine et faire reculer l'armée russe. Face à la contre-offensive ukrainienne qui ne progresse pas, ou très peu, Joe Biden ne change pas de politique: toujours plus d’armes pour l'armée ukrainienne. Même si, en l'occurrence, le président américain a parlé d’une décision difficile à prendre.
Il a expliqué que ces livraisons étaient nécessaires parce que les Ukrainiens commencent sérieusement à manquer de munitions. Il a aussi assuré que Kiev s’est engagé par écrit à ne pas utiliser ces bombes dans les zones urbaines ou peuplées de civils.
La France n’a pas condamné cette décision américaine. Le ministère des Affaires étrangères a dit comprendre l’arbitrage auquel les Américains sont parvenus.
Les Russes, eux, ont protesté avec véhémence. Mais ils sont mal placés pour donner des leçons, car ils utilisent des bombes à sous-munitions depuis le début de la guerre en Ukraine, et assez massivement… La guerre, qui dure depuis 500 jours, a fait environ 9.000 morts civils selon l’ONU, dont au moins 500 enfants.