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Comment est produit le poulet 100% artificiel, bientôt en vente aux Etats-Unis?

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Les Etats-Unis viennent d’autoriser la vente de viande de poulet artificielle. C’est une révolution qui risque de bouleverser l’agriculture et l'alimentation à l'échelle de la planète.

Une nouvelle révolution en vue pour le commerce de la viande? C'est bien probable. Aux Etats-Unis, les autorités ont récemment autorisé la production de viande de poulet… totalement artificielle.

Pour la petite histoire, tout commence le 5 août 2013, il y a bientôt dix ans. Ce jour-là, un chercheur néerlandais, Mark Post, avait dévoilé à Londres le premier hamburger fait à base de viande de culture ou de viande in vitro.

Devant les caméras du monde entier, il avait fait cuire un petit steak haché de 140 grammes, concocté grâce à 20.000 fines lamelles de viande de bœuf produites en laboratoire, et qui disposait d'une apparence et d'un goût de vraie viande. Le hamburger n'était assaisonné qu’avec un peu de sel et de poivre et les chefs présents avaient trouvé l'invention plutôt ragoutante.

Seulement, il y avait un problème: ce steak de 140 grammes avait coûté 250.000 euros, un peu cher pour un hamburger. A l'époque, beaucoup avaient alors prédit que la démocratisation des viandes artificielles n'aurait jamais lieu.

Toutefois, le pharmacologue hollandais avait assuré que les prix allaient baisser avec le temps. Ce qu'il s'est vraiment passé.

Un moule pour donner la forme du filet de poulet

Une décennie est passée après la dégustation du premier hamburger fait à base de viande artificielle. Et pour marquer le coup, les autorités américaines ont donc tout récemment autorisé trois entreprises à commercialiser de la viande artificielle, en l'occurrence du poulet.

Ces trois entreprises produisent de la viande selon le même procédé: des cellules de poulet sont isolées et placées dans une sorte de grande casserole fermée. Puis, elles sont nourries à partir d'éléments qu’auraient consommé un vrai poulet, comme par exemple des graisses, des protéines, des sucres, des vitamines ou encore des minéraux.

Ensuite, dans ces cuves, ces cellules se développent et se transforment en un tissu musculaire qui ressemble à du poulet. Il suffit de le mettre dans un moule pour lui donner la forme d’un filet et on obtient une imitation quasi parfaite.

Efficacité de production et respect du bien-être animal

L'invention semble attirer de nombreuses convoitises. Une chef française, Dominique Crenn, étoilée et installée à San Francisco, a déjà passé des commandes pour servir cette viande dans son restaurant. Un des meilleurs établissements de Washington s’est aussi mis sur les rangs pour être parmi les premiers à servir cette viande de demain.

Ce poulet futuriste présente d'ailleurs de nombreux avantages. L’efficacité de production tout d'abord, car cette viande de culture est beaucoup plus rapide à produire que dans la nature.

En un mois et demi environ, dans les cuves, on obtient de la viande alors qu’il faut plus de deux ans pour produire de la viande de bœuf et trois mois pour obtenir un poulet. Le deuxième avantage, c’est le respect de la vie et du bien-être animal. Ainsi, on n'élève plus des animaux pour les tuer, et on peut dire au revoir aux abattoirs.

Le troisième avantage est la question de l'hygiène. Les risques de transmission de maladies sont bien inférieures aux risques que l’on a dans la vraie vie, la grippe aviaire ou la vache folle. Quatrième avantage, enfin: en réduisant les élevages, on libère des terres agricoles, on peut produire plus et nourrir plus de monde.

Un possible pas de géant pour l'écologie

Tout cela peut être excellent pour l’avenir de la planète, parce que la production de viande est extrêmement polluante. C’est 18% des gaz à effet de serre puisque les vaches ruminent et flatulent.

L'élevage, c'est 30% de l’utilisation des sols, 8% de la consommation d’eau. Il faut 50 litres d’eau pour produire un kilo de viande. Donc, la viande de culture peut être un immense progrès écologique. Même s’il faudra beaucoup d'électricité pour la produire à grande échelle.

En tout cas, c'était jusqu'à présent un domaine de recherche et d'expérimentation. Depuis ce jeudi, on est entré dans la commercialisation, une autre étape fondamentale. Les Américains seront les premiers après les habitants de Singapour à acheter au quotidien de la viande de culture. En France et en Europe, on est plus prudents, plus réticents, et il va donc falloir attendre. Les autorisations ne sont pas pour demain, mais cela viendra un jour...

Nicolas Poincaré