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Lait infantile: comment la fermeture d'une usine a provoqué une pénurie énorme aux Etats-Unis

Des ruptures de stock dans presque tous les magasins, des prix qui s'envolent.... Trouver du lait pour nourrissons aux Etats-Unis est de plus en plus compliqué actuellement. Le pays est touché par une pénurie depuis déjà plusieurs semaines.

Les Etats-Unis sont confrontés à une pénurie de lait pour bébés. Cela dure depuis des semaines, et le président Joe Biden a dû annoncer jeudi des mesures radicales. L’affaire fait la Une des journaux télévisés. On y voit des rayons vides dans les supermarchés, comme à l’époque de la Russie soviétique. Presque un magasin sur deux est en rupture de stock.

On entend à la télé des témoignages de mères qui ont dû faire 160 km pour trouver du lait maternel, d’autres qui en ont trouvé mais à des prix exorbitants, jusqu'à 100 dollars la boîte pour du lait anti-allergique. D’autres encore qui cherchent sur internet des recettes de grands-mères pour adapter le lait de vache aux tous petits.

Et on comprend bien que le sujet est hyper-sensible. Aux Etats-Unis, seule une mère sur quatre allaite son bébé, parce qu’il n’y a pas ou peu de congés maternité. Les femmes, surtout les plus pauvres, reprennent vite le travail et sont donc obligées d’acheter du lait en poudre. Et donc quand il n’y en a plus, c'est une catastrophe.

Tout a commencé en février. Deux nourrissons sont morts mystérieusement et le lait du laboratoire Abbott a été soupçonné d'être responsable de ces décès. Par précaution, une usine dans le Michigan a été fermée. Très rapidement, Abbot, son usine et son lait, ont été mis hors de cause et tout aurait dû rentrer dans l’ordre. Sauf que ça n'a pas été le cas. D’abord parce que l’administration sanitaire très tatillonne a mis des semaines avant de donner les autorisations de redémarrage des chaînes de production. Elles viennent seulement d’arriver.

Un plan militaire annoncé par Joe Biden

L’autre raison, c’est que toute l’économie américaine subit actuellement une double crise, liée à l'épidémie de Covid. Il y a des pénuries de matières premières à cause de la désorganisation du commerce mondial et il y a des pénuries de main-d'œuvre à cause de ce qu’on appelle le phénomène de la “grande démission”. Ce sont ces milliers d’Américains qui quittent leur job pour changer de vie, après avoir goûté à l’inactivité pendant les confinements.

L’industrie du lait maternel, comme beaucoup d'autres secteurs, fonctionne à flux tendu. Et la fermeture d’une seule usine dans le Michigan a grippé le système. Ajoutez à cela que dès les premières pénuries, il y a eu des achats paniques, les parents ont voulu faire des stocks. Ce qui se comprend, mais qui a encore accéléré le phénomène. Ajoutez encore que, voyant les prix monter, des intermédiaires ont spéculé et gardé leur stock espérant les revendre plus tard plus cher. Et voilà comment l'Amérique en est venue à manquer d’un produit aussi essentiel que le lait pour bébé.

Joe Biden vient donc d’annoncer un plan quasi-militaire. Le président américain a ressorti une vieille loi qui date de la guerre en Corée en 1950. La “defense production act” qui permet de réquisitionner des entreprises en cas de guerre. Les fournisseurs des produits nécessaires à la fabrication du lait ont reçu l’ordre de livrer en priorité les usines de lait maternel.

Cette loi permet aussi de réquisitionner l'armée et le ministère de la Défense. Et un pont aérien se met en place, pour acheminer du lait en poudre, essentiellement depuis l'Europe. Opération nommée Fly Formula”. “Fly” comme “voler” et “Formula milk” ça veut dire lait maternel.

Il était temps pour Joe Biden de réagir. L’affaire a pris un tour politique. L’opposition républicaine lui reproche de s’occuper des Ukrainiens plus que des bébés américains. Et comme on est à six mois des élections à mi-mandat, ce scandale pourrait avoir de lourdes conséquences électorales. D’autant que malgré les mesures qui viennent d'être annoncées, malgré le pont aérien, les choses ne vont pas rentrer dans l’ordre avant plusieurs semaines voire plusieurs mois.

Nicolas Poincaré avec AFP