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"Mon héros": le témoignage poignant de la soeur de Valentin, un jeune Français tué en Israël

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Quatre jours après l'attaque du Hamas en Israël, le bilan ne cesse de s'alourdir: on décompte plus de 2.200 morts Israéliens et Gazaouis. Le nombre de victimes françaises a lui aussi augmenté: 11 Français ont perdu la vie depuis samedi, 18 sont toujours portées disparus. Valentin, un jeune homme Français d'origine israélienne, est l’une des victimes françaises, tué samedi par le Hamas. Il sera enterré ce jeudi en Israël. Sa soeur s’est confiée à RMC, pour raconter l’errance, la douleur, et rendre hommage à ce jeune homme qu’elle décrit comme un héros.

Autour de Chloé, dans la maison de ses cousins à Jérusalem, des voix résonnent en hébreu, en français, en anglais. Tous ceux qui l’ont pu sont venus soutenir la jeune femme et ses parents. Tous les trois ont quitté Montpellier pour Tel-Aviv tenaillés par l’angoisse lundi soir. Ils n’avaient plus de nouvelle de Valentin, le frère et leur fils, depuis samedi. Le jeune homme finissait son service militaire. Il allait avoir 23 ans à la fin du mois. Samedi, il est mort, touché par des tirs des combattants du Hamas en défendant des civils israéliens du kibboutz de Berri.

Valentin, était un jeune homme marquant et déterminé, raconte sa sœur. “Quand il voulait quelque chose, il l’avait”, raconte-t-elle. Il avait quitté Montpellier après sa licence, en février 2022, pour rejoindre Israël, se reconnecter à sa religion et ses racines. “C’était son pays de cœur, son pays choisi”, sourit Chloé.

Valentin, soldat volontaire, tué lors du conflit Israël-Hamas
Valentin, soldat volontaire, tué lors du conflit Israël-Hamas © DR

Après avoir appris l’hébreu en un temps record, il intègre l’armée israélienne. À force de travail, le jeune homme rejoint les parachutistes. "Il a toujours voulu être dans les unités d'élite, souffle sa sœur. Pour lui, c'était une fierté immense". En février, sa famille le visite en Israël pour une cérémonie importante. “Il rayonnait de bonheur”. Le jeune homme devait finir son service militaire dans trois semaines: il envisageait de partir en voyage, peut-être en Australie. Il n'ira jamais. "C’est ça qui est horrible”, sanglote Chloé.

Trois jours sans sommeil, dévorés par l’angoisse

Vendredi matin, Valentin discute avec sa mère par téléphone: face caméra, il était avec son meilleur ami, un camarade de son escouade. “Ils étaient tranquilles, ils lui ont dit ‘on s'appelle après Shabbat’”. Du vendredi 18h, jusqu'au lendemain à la même heure, comme de nombreux juifs pratiquants, Valentin pose son téléphone, il évite les contacts avec la technologie, pour Shabbat.

Sauf que le lendemain, Chloé découvre les images de l'attaque terroriste menée par le Hamas en Israël. Et Valentin ne donne pas signe de vie. Elle sait qu'il a pu être déployé avec son escouade. "A 18 heures, on n’a pas de nouvelles. 18h30, pas de nouvelles. Il n’a pas ouvert son téléphone, nos messages ne sont pas lus". La panique monte dans la famille.

À 19h30, la mère de Valentin contacte son ami, soldat dans la même unité. Le monde s’effondre. Elle apprend que les deux jeunes hommes ont été touchés par balle, en défendant des civils.

“À partir de ce moment-là, le cauchemar a commencé”, souffle Chloé.

De nombreux membres de leur famille vivent en Israël: tous se mettent à la recherche du jeune homme. “Ils écument tous les hôpitaux d’Israël, toute la nuit. Personne ne le trouve”. C’est un petit pays. Les fausses pistes sont légion. D’autant que comme il n’est pas israélien, Valentin n’a pas de numéro de soldat définitif. “Quelqu'un nous a dit ‘je l'ai vu sur une liste de vivant dans la nuit de samedi à dimanche’... À ce moment-là, on s'accroche à tout, on reçoit des messages, des informations de gens qui l'ont potentiellement croisé... On n’a pas dormi de la nuit. On n’a pas dormi depuis”.

Pendant trois jours, Chloé épluche tous les communiqués, toutes les listes de soldats tombés au front publiées par l'armée israélienne. "Je n’ai jamais passé autant de temps sur mon téléphone à chercher". D'autant que la jeune fille se heurte à la barrière de la langue: ni sa mère, ni elle, ne comprennent l’hébreu. Impossible de rester en France, il faut participer aux recherches sur le terrain, être sur place: Chloé, sa mère et son père doivent partir pour Israël. "Il n'y a qu'une compagnie qui vole depuis la France, tous les vols étaient pleins. C'est terrible." Ils réussissent à obtenir des places dans un avion rempli de réservistes appelés au front. Ils arrivent à Tel Aviv mardi à 5 heures du matin. Ils n’ont pas de nouvelles de Valentin depuis 3 jours. Trois jours sans sommeil.

“Ici, il aura le droit à tous les honneurs qu’il mérite, même si je ne rentrerai jamais en France avec lui”

“Ce matin-là, on reçoit un appel de l’armée: ils vont venir nous voir à midi”, raconte Chloé. "Clairement, ils attendaient qu'on soit sur place", souffle la jeune femme à mi-voix. En fin de matinée, deux militaires et un médecin se présentent. "Je savais que c'était fini, je savais ce qu’ils allaient nous annoncer", se rappelle Chloé. Valentin est tombé en défendant Israël, trois jours plus tôt. “Mais nous, jusqu’au lundi, on a eu de l’espoir. Et ça, c’est horrible”.

Et très vite, malgré le choc, les larmes, la douleur, la famille doit s’organiser. La douloureuse question des obsèques se pose. "Est-ce qu'on le fait enterrer en France ou en Israël ?”, sourit tristement Chloé. Une décision compliquée. Valentin est français, il a grandi en France, ses parents et sa sœur y vivent. “Pour mon père, Israël a pris son fils. L’enterrer ici, c’était l’abandonner une deuxième fois”, explique Chloé. Mais Valentin voulait reposer en Israël, son pays choisi.

“Ma mère était venue le voir en septembre, et en passant à côté du cimetière réservé aux héros de guerre, à Jérusalem, il lui a dit ‘c'est là que je serai enterré’."

Le père finira par accepter ce choix: l’enterrement aura lieu ce jeudi, à 11h, lors d’une grande cérémonie militaire. “Ici, il aura le droit à tous les honneurs qu’il mérite, souffle sa sœur, même si je ne rentrerai jamais en France avec lui”. Entre la famille, les amis, les collègues d’escouade de Valentin et les inconnus touchés par la mort du jeune homme, ils attendent au moins 1000 personnes. “Valentin, c’était quelqu’un d’inoubliable, raconte Chloé. Il a tellement d’amis, de collègues, d’inconnus qui défilent ici, pour me dire qu’ils l’ont croisé, et qu’ils se rappelleront toujours de lui”. Une pensée qui réconforte un tant soit peu la jeune femme. Même si de nombreux proches français n’ont pas pu faire le déplacement jusqu’en Israël. Alors la famille a tranché: une cérémonie en Israël, et une autre en France, à Montpellier, à leur retour.

Ensuite, s’ouvrira la période de deuil, qui dure sept jours dans la culture juive. Chloé ne pourra pas la respecter. "J'avais promis à mon frère de réussir mon concours d'attachée d'administration, mardi prochain en France. Je l'aurai pour lui”. La jeune femme rentrera seule en France, sans son “héros”. Avec une seule satisfaction: “Je sais que son dernier souffle, il l’a poussé en étant fier d’avoir défendu le pays qu’il a choisi, et sauvé des centaines de personnes”.

Lucile Pascanet