"On s'est beaucoup interrogés": annuler ou non son voyage au Maroc, le dilemme de nombreux touristes

Manque de respect ou meilleur moyen de soutenir le pays? Les touristes qui comptaient se rendre au Maroc -et particulièrement à Marrakech- sont confrontés à un dillemme depuis quelques jours. Faudrait-il annuler leur visite après le séisme meurtrier qui a fait au moins 2.862 morts, selon les derniers chiffres, et détruit de milliers d'habitations dans le sud du pays? Est-ce qu'une visite en ces temps de deuil pourrait être interprétée comme un manque de respect?
Chez les vacanciers qui doivent arriver à Marrakech dans les prochains jours, beaucoup hésitent à partir. C'est le cas d'Inès, une Franco-marocaine habitant en France métropolitaine, qui devait s'envoler ce mardi de Bordeaux avec un groupe d'amis pour un voyage de cinq jours. "Touchée" par le drame, elle a finalement décidé de maintenir son séjour.
"On s'est beaucoup interrogés parce qu'on s'est dit que les Marocains n'avaient pas forcément la tête à accueillir des touristes, car il y a quand même des choses plus urgentes que ça", témoigne-t-elle au micro de RMC.
Le groupe d'amis a ainsi contacté le propriétaire du riad où ils devaient séjourner pour savoir si tout allait bien pour lui, et si le riad avait été touché. Ce dernier les a rassurés sur son état de santé et celui de sa famille, et a expliqué que si Inès et ses amis voulaient annuler, il le comprendrait totalement... mais que ce serait quand même bien venir.
"Il disait qu'ils ont besoin de tourner la page, de voir du monde", explique Inès.
"La gouvernante, Fatima, nous aussi dit qu'elle voulait travailler et essayer de reprendre une vie normale. Du coup on s'est dit qu'on allait y aller quand même, même si c'est compliqué de s'y projeter", concède-t-elle.
Une volonté partagée par Amina, guide touristique à Marrakech, qui rappelle que sa ville possède un système économique basé sur le tourisme.
"On a vraiment souffert au moment de la pandémie, la ville était vraiment morte. Il n'y avait pas d'arrivée de touristes, et on a vraiment souffert. On a commencé à renaître, et là de revoir des annulations, ça fait mal au coeur", souffle-t-elle.
Malgré le "traumatisme" dont elle souffre, elle veut donc aller de l'avant. "C'est toute une chaîne: si je ne travaille pas, je ne paye pas le loyer, ni l'école de mes enfants, je ne peux pas prendre le taxi... Donc la seule solution, c'est le travail, c'est la seule façon, croyez-moi, de se sentir toujours vivant", explique-t-elle.
Un voyage qui prend une tournure plus humanitaire que touristique
En pleine hésitation, Inès s'est tout de même rendue en ligne pour demander, sur divers réseaux sociaux, s'il n'était pas irespectueux envers les milliers de victimes de maintenir son voyage. "On nous a beaucoup dit qu'il était important de continuer à soutenir le Maroc avec le tourisme", assure-t-elle.
Le voyage ne sera en revanche -logiquement- pas forcément le même que prévu. "On s'adaptera sur place. On s'est dit qu'on aviserait, mais que c'était important de maintenir le voyage et d'indirectement contribuer à l'effort économique. Et que, sur place, on puisse aider à notre échelle, donc pourquoi pas donner notre sang, donner des vivres aux points de collecte, faire des dons... On va voir ce qu'on peut faire et ne pas faire, mais on va s'adapter", explique-t-elle.
Des vivres et médicaments dans les bagages
Inès a donc demandé à sa compagnie aérienne de pouvoir transproter une valise en plus et ainsi profiter de l'occasion pour emmener, notamment, des trousses de premier secours. "On a vu sur les sites de plusieurs associations qu'il manquait du paracétamol", illustre-t-elle.
"On fera le maximum pour aider. Notre confort de touriste n'est pas la priorité. C'est important pour nous de ne pas se contenter de nos visites touristiques, on va voir ce qu'on peut faire sans gêner les opérations de secours", conclut-elle.