Pourquoi 55 ans après son assassinat, la famille de Malcolm X demande la réouverture de l'enquête

C’est une lettre que l’agent Raymond Wood n’aura jamais voulu publier de son vivant, et à sa lecture, on comprend pourquoi. Il y raconte qu’en 1964,en tant que recrue noire, on lui demande d’infiltrer différentes organisations qui luttent pour les droits civiques et de trouver des preuves d’actes criminels pour que le FBI puisse discréditer ses leaders.
En l’absence de preuve, ou même de projet criminel, l’agent Wood dit qu'il est invité à les fabriquer : ses supérieurs mettent sur pied un projet d’attentat à la bombe sur la Statue de la Liberté. Sa mission à lui sera de pousser pousser les deux gardes du corps de Malcolm X à le commettre.
Le mystère du dernier discours de Malcolm X à Harlem
Le 16 février, les deux cibles tombent donc dans les filets de la police pour avoir tenté de commettre un attentat. Malcolm X est désormais, sans défense. Et cinq jours plus tard, l’agent Wood reçoit sa prochaine mission, une mission à l’Audubone Ball room de Harlem
Ce jour-là, Malcom X doit donner un discours dans une salle de bal de son quartier. Mais une semaine plus tôt, il a été victime d’un attentat. Trois cocktails Molotov ont été balancés chez lui, avec sa femme et ses quatre enfants endormis.
Pourtant, il n’est pas sous protection policière. L’activiste est toujours suspect, et ce même si cela fait un an qu’il a rompu avec le mouvement radical Nation of Islam dont il était le leader.
Pour son ex-mouvement, la rupture est difficile à avaler. Deux mois avant son assassinat, Louis Farrakhan le nouveau chef de Nation of Islam prononce la sentance à son encontre : "Un tel homme est digne de mourir". Et Malcolm X sera abattu le 21 février 1965 par trois tireurs à l’intérieur de la salle de bal.
Grâce à la lettre de Raymond Wood un début d’explication commence à apparaître
Et c’est là que l’on retrouve à nouveau Raymond Wood, notre policier noir infiltré parmi le mouvement. Pourtant aucun des trois tireurs, dont un est armé d’un fusil pompe ne sera arrêté sur le coup.
Dix jours plus tard trois membres de Nation of Islam sont arrêtés et condamnés à perpétuité : Norman Butler, Talmadge Hayer et Thomas Johnson. Deux de ces accusés ont toujours clamé leur innocence, et pire que ça : le troisième reconnaît les faits et répète depuis le début que ce ne sont pas ses complices et qu’ils n’y sont pour rien.
Pour les disculper, il ira même jusqu’à donner sous serment le nom des autres tireurs. Mais un juge avait estimé à l’époque qu’il ne s’agissait pas d’une nouvelle preuve.
Aujourd’hui, grâce à la lettre de Raymond Wood un début d’explication commence à apparaître. Thomas Johnson aurait été arrêté et maintenu en détention à vie simplement pour maintenir la sécurité de l’infiltration de l’agent Wood.
Et c’est d’ailleurs à la mort de Thomas Johnson en détention qu’il a décidé d’écrire toute la vérité. Dans la lettre exhumée aujourd’hui par les filles de Malcolm X.
Un documentaire Netflix relance l'affaire
Une lettre qui vient s’ajouter au dossier pour la réouverture l’enquête examiné depuis un an. Le procureur de New York Cyrus Vans a accepté de réexaminer cette enquête visiblement bâclée. Ce qui l’y a poussé c’est une série documentaire de Netflix dans laquelle l’historien Abdur-Rahman Muhammad apporte de nouvelles informations affligeantes pour la police.
Les deux accusés qui clament leur innocence depuis le début n’étaient même pas dans la salle de bal ce jour-là et disposent d’alibis solides : un médecin a par exemple confirmé que l’un des deux accusés avait été plâtré quelques heures à peine avant le meurtre.
Mais surtout, le bras droit de Malxolm X avait lui aussi déclaré sous serment qu’ils n’étaient pas dans la salle de bal au moment du meurtre. Il n’a jamais été appelé à témoigner.
Pour ne pas commettre deux fois les mêmes erreurs la police de New York a déjà versé au dossier toutes les archives dont elle disposait et le FBI est aussi appelé à collaborer.
Malcolm X était sous étroite surveillance et il n’est pas impossible que les autorités aient su qu’un complot se tramait contre lui et n'aient rien fait.