Pourquoi l'Espagne a exhumé et transféré la dépouille du dictateur Franco contre l'avis de la famille et de ses fidèles
Pedro Sanchez, le premier ministre espagnol en avait fait une promesse de campagne. C’est chose faite. La dépouille du général Franco a été exhumée jeudi de son mausolée pour être ré-enterrée dans un petit cimetière de Madrid. Le chef de l’Etat espagnol estimait que le monument à la gloire de l’ancien dictateur représentait une offense à la démocratie et un affront moral.
Le général Franco, avait lui-même tout prévu pour assurer sa gloire éternelle. Celui qui a dirigé l’Espagne d’une main de fer pendant près de 40 ans, avait fait construire à 50 km de Madrid, une basilique creusée dans le rocher, surmonté d’une croix de 150 mètres de haut, la plus grande croix catholique du monde.
Il aura fallu 20 ans pour construire cette œuvre monumentale. Vingt ans et surtout des milliers de forçats, des prisonniers politiques obligés de travailler pour glorifier la mémoire de leur bourreau.
Des fosses communes réouvertes
Mais ce n’est pas tout, en signe d’une soit disant réconciliation, Franco y avait fait enterrer 30.000 anciens combattants de la guerre civile. La moitié était des nationalistes, ses partisans. L’autre moitié des républicains, ses adversaires. Et pour trouver 15.000 corps de républicains, il avait fait rouvrir des fosses communes un peu partout dans le pays, sans demander l’avis des familles. C’est pour cela que le lieu s’appelle "vallee de los Caidos", la vallée de ceux qui sont tombés.
Depuis sa mort en 1975, et ses funérailles militaires grandiose, le mausolée était un lieu de pèlerinage pour les nostalgiques de la dictature. Ce que le gouvernement socialiste ne supportait plus.
La famille du dictateur opposé au transfert a multiplié les recours
Le déplacement du corps du dictateur n’a pas plus à la famille qui a multiplié les recours pour l’en empêcher. Sans succès. Vingt-deux descendants du Général sont tout de même venus jeudi. Le cercueil dans lequel se trouve le corps embaumé du dictateur, a été porté par huit de ses descendants dont son arrière-petit-fils Louis de Bourbon, le prétendant au trône de France.
Ils sont ensuite tous allés dans un petit cimetière près de Madrid pour un nouvel enterrement. Environ 200 fidèles ont chanté l’hymne des franquistes, en levant le bras droit tendu. La cérémonie religieuse a été célébrée par le fils de l’officier qui avait tenté un coup d’état militaire en 1981. La grande famille de l'extrême droite espagnol a donc pu célébrer son héros sans doute une dernière fois, en direct à la télévision espagnole.
D'autres pays embarrassés par les tombes de leurs dictateurs
Le cas de l'Espagne n'est pas isolé. D'autres pays sont embarrassés par les tombes de leurs dictateurs. En Allemagne, la tombe de Rudolf Hess, le bras droit de Hitler mort en prison en 1987, commençait à devenir un lieu de pèlerinage. Alors en 2011, les autorités l’ont détruite, elles ont incinéré le corps et dispersé les cendres en mer.
Pinochet, au Chili a aussi été incinéré à la demande de son fils pour éviter que ses victimes puissent venir cracher sur la tombe. En Russie, Joseph Staline, a d’abord été enterré au côté de Lénine, dans un mausolée au centre de la place rouge à Moscou. Puis, lorsque les Russes ont réalisé l’ampleur de ses crimes dans les années soixante, son cercueil a été déplacé un peu plus loin, toujours au pied des murailles du Kremlin.
Saddam Hussein, pendu à Bagdad, a tout de même eu le droit d'être enterré dans un mausolée qu’il avait fait construire dans son village natal. Le couple Causcescu, les dictateurs Roumains ont été enterré sous un faux nom à Bucarest. Mais une journaliste française a révélé ce faux nom et depuis la tombe est parfois fleurie.
Enfin en France, la tombe du Maréchal Pétain se trouve à l'Ile d'Yeu en Vendée. La tombe assez discrète et difficile à trouver au milieu du cimetière de Port Joinville, est régulièrement détériorée. François Mitterrand lui, la faisait fleurir tous les ans.