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Qui se cache derrière les drones tueurs autonomes utilisés pour la première fois en Libye?

Un rapport de l’ONU estime, pour la première fois, que des drones tueurs autonomes ont été utilisés en Libye. Ces machines ont attaqué des convois militaires sans en avoir reçu l’ordre.

Cela ressemble à un scénario de science-fiction. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, des machines ont attaqué des hommes, de leur propre initiative. C’était quelque chose que l’on craignait que l’on redoutait et c’est arrivé. 

C’est arrivé en Libye, d'après un rapport extrêmement circonstancié du conseil de sécurité de l’ONU. Et c’est très certainement l’armée turque qui est responsable de ce tir. Le rapport explique que ces drones avaient été programmés pour attaquer des cibles, sans qu’il soit besoin d’établir une connexion avec un opérateur, c'est-à-dire un humain. Les drones étaient en mode d'autoguidage grâce à leur intelligence artificielle. Ce sont donc bien des robots qui ont pris l’initiative de tirer sur des soldats. 

A quoi ressemblent ces machines?

C’est tout petit, 60 centimètres sur 60. Disons trois fois la taille d’un ordinateur portable. Avec quatre hélices, une demi-heure d’autonomie, 80 km/h de vitesse de pointe. Et, bien sûr, une caméra pour identifier des cibles et les attaquer. Une caméra qui peut faire de la reconnaissance faciale. Autrement dit, on peut demander au drone de rechercher un ennemi en particulier, de l'identifier et de le tuer. Le drone n’est pas doté d’une arme ou d’un missile. Il est lui-même l’arme. C’est un kamikaze, bourré d’explosif, il va s’écraser, se suicider contre l’objectif. 

Le plus terrifiant, c’est qu’il n’est pas prévu pour voler seul, il vole en essaim. Une vingtaine de drones, coordonnés les uns aux autres, peuvent attaquer une base aérienne ou un convoi militaire. 

C’est d’ailleurs ce qui s’est passé en Libye. C’est un convoi qui a été attaqué. La Libye depuis la chute de Kadhafi est un pays divisé en deux. L’est et l’ouest. A l’est, les troupes du maréchal Haftar soutenues par l'Arabie saoudite, et par la France, même si on ne le dit pas. En face, les forces du Premier ministre soutenu par la Russie et la Turquie. C’est cette armée qui a utilisé les drones de fabrication turque pour tirer sur un convoi des hommes du maréchal Haftar. Un convoi de logistique qui était en train de battre en retraite et qui a été rattrapé par les drones. 

Et le rapport de l’ONU estime qu’il ne s’agit pas d’une attaque unique ou expérimentale. Les drones turcs sont utilisés de façon opérationnelle depuis plus d’un an et ont contribué à renverser la situation militaire. 

Quels sont les pays qui disposent de ces robots tueurs?

La Turquie qui fabrique ces drones Kargu-2 en aurait environ 500. Elle en a aussi fourni à son voisin et ami, l'Azerbaïdjan en guerre contre l'Arménie. Mais les Turcs ne sont bien sûr pas les seuls. Anthony Morel sur RMC avait récemment consacré une de ses chroniques aux recherches et aux avancées dans ce domaine des armées américaines, chinoises et russes. Les Américains estiment que l'on ne pourra pas se passer de ces robots autonomes-tueurs, parce qu'ils sont beaucoup plus efficaces que les drones pilotés par des humains.

Et la France? La France a des principes. Elle refuse le développement et l’utilisation de ce type d’arme. C’est une doctrine qui vient d'être réaffirmée par le comité d'Éthique de la défense. Mais cela ne veut pas dire que l’on ne développe pas des drones militaires.

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L’avion de combat du futur qui remplacera le “Rafale” dans 15 ou 20 ans est actuellement développé avec l’Allemagne et l’Espagne. C’est non plus un simple avion, mais tout un système de combat aérien, c’est-à-dire qu’il vole entouré lui aussi d’un essaim de drones de toutes tailles, des gros équipés de missiles, des petits qu’on appelle des consommables parce qu’ils ne servent qu’une fois. Le tout coordonné depuis le sol et depuis des satellites. C’est la guerre de demain. 

Les entreprises françaises Dassault, Thales et Airbus sont en pointe. Mais dans le système français, il y aura toujours un homme ou une femme pour déclencher le feu et appuyer sur le bouton. Pas comme ce qui se passe en ce moment dans le désert libyen.

Nicolas Poincaré