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Sarkozy et Merkel ne vieilliront pas ensemble

Le Parti Pris d'Hervé Gattegno, tous les matins à 8h25 sur RMC.

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Nouvelle réunion des dirigeants européens à Bruxelles ce mercredi soir, pour tenter de trouver une issue à la crise de la dette. On va peut-être arriver à un compromis mais la passe d'armes franco-allemande laissera des traces.

C’est triste un couple qui se défait. Même si on ne peut pas dire à propos du président français et de la chancelière allemande : « Ils se sont tant aimés », disons qu’il y a eu des jours meilleurs. La crise a rompu le charme. Désormais, c’est un homme et une femme que trop de divergences séparent pour continuer à faire semblant et qui ne se font plus confiance – il n’y a qu’à lire les confidences de leurs entourages dans les presses française et allemande pour le comprendre. Si l’on arrive à un compromis, le divorce ne sera pas prononcé – ce serait la fin de l’Europe politique. Mais il est consommé.

Est-ce qu'on peut dire, comme beaucoup d'observateurs le font, que c'est l'Allemagne qui impose ses vues et la France qui suit ?

Notre patriotisme en prend un coup mais oui, c’est vrai : dans le couple franco-allemand, c’est Angela Merkel qui porte la culotte ! Elle manie à la fois le veto et le diktat. Elle s’oppose à tout contrôle de la Banque centrale européenne par les Etats ; elle exige que les banques privées participent à l’aide à la Grèce. Quand l’Europe chancelle, c’est la chancelière qui s’impose. Pourquoi ? Parce que l’économie allemande est la plus forte et qu’en ce moment, c’est la solidité économique qui est l’indicateur numéro un. L’Allemagne a maitrisé ses déficits, réduit sa dette – c’est d’ailleurs un social-démocrate, Gerhard Schröder qui l’a fait, pendant que Lionel Jospin faisait les 35 heures… –, son commerce extérieur est florissant. Bref, c’est la fourmi d’une Europe où les cigales sont nombreuses ; et vu de Berlin, le coq français a tout l’air d’un criquet…

Donc la fourmi allemande ne veut plus payer. Est-ce que ce n'est pas une rupture de la solidarité européenne ?

Dans cette crise, des coups, la solidarité européenne en a déjà pris pas mal. Les Grecs ont entraîné eux-mêmes leur pays dans l’abîme, Berlusconi n’est pas loin d’avoir fait pareil en Italie, l’Espagne et la France ont laissé filer les déficits… Ensuite, n’exagérons pas non plus l’égoïsme allemand : l’Allemagne est de loin le plus gros contributeur du Fonds de stabilité, qui est la cagnotte destinée aux Etats nécessiteux. Cela dit, on peut comprendre qu’un pays qui a absorbé seul sa réunification il y a 20 ans et qui a été plus rigoureux que tous les autres n’ait pas envie d’aller au-delà. Si nous étions à leur place, nous réagirions de la même façon. Ce n’est peut-être pas moral, ni politiquement souhaitable, mais c’est démocratiquement compréhensible.

Dans l'affrontement franco-allemand, est-ce qu'il n'y a pas, aussi, des critères de politique intérieure qui jouent ?

C’est évident – et c’est heureux. La crise oblige plus que jamais les gouvernants à avoir le souci de leurs opinions – c'est-à-dire de leurs électeurs. La marge de manœuvre d’A. Merkel est étroite : la Cour constitutionnelle lui impose d’obtenir le feu vert du Parlement pour toute dépense supplémentaire. On a d’abord considéré que c’était une faiblesse politique ; on voit maintenant que ça lui donne une force. Alors que Nicolas Sarkozy, lui, n’a pas pu faire adopter la « règle d’or » parce qu’il n’a pas la majorité au Sénat. Un avantage de plus pour Angela Merkel. Il y en a un autre : elle a plus de chances d’être réélue en 2013 que lui en 2012. Et si la crise dure, ils seront peut-être battus tous les deux et c’est l’Europe qui vieillira sans eux…

Ecoutez ci-dessous le "Parti pris" de ce Mercredi 26 octobre 2011 avec Hervé Gattegno et Jean-Jacques Bourdin :

Hervé Gattegno