J’ai fait la caravane du Tour de France: il y a des gens qui nous jettent de l'urine toute la journée

- - AFP
Nicolas avait 25 ans en 2009 lorsqu’il a passé trois semaines dans la caravane du Tour de France pour un sponsor.
"J’ai fait la caravane du Tour de France en 2009, je ne pense pas qu'elle a trop changée. Ce qui est compliqué, c'est que tu te lèves à 5h30 tous les matins. Pour des gens qui n'ont pas trop l'habitude c'est dur. Tu laves la bagnole, tu fais le plein d’essence, tu charges les cartons. Ça tu le sens quand tu as fini le Tour. En rentrant, j’ai dû faire une nuit de 17 heures. Et puis quand tu fais des étapes où il fait chaud ça pique un peu: il fait plus de 30° au petit matin et tu finis sur un petit 45° en fin d'après-midi après avoir passé la journée debout harnaché sur la caravane.
"On te fait souffler le matin et tu dois être à zéro"
Tu es aussi surveillé par la police du Tour. Quand tu balances tes goodies, tu dois faire gaffe à ne pas les mettre sur la route sinon il y a réprimande. Il y a des gars en moto, ils naviguent entre les caravanes et vérifient que tu jettes assez loin. On te fait aussi souffler le matin et tu dois être à zéro. C'est un peu la galère parce qu’il y a des soirées tous les soirs, surtout le week-end. Chez nous on a eu des non-partants: tu te couches vers 4h30, tu te lèves une heure plus tard, c'est compliqué. A ce moment-là, la mission c’est de manger un maximum de croissants et de pains au chocolat, de te charger de tic-tac et de croiser les doigts pour que tu sois à zéro quand tu souffles. J'en ai connu un qui est allé courir sans se coucher pour essayer de déssaouler. Il n'est pas parti.
Une fois sur la route, il y a aussi les coups de frein intempestifs, il faut bien s’accrocher. Et puis tu as le soleil qui te tapes un peu sur la tête. Il faut faire le choix de boire ou de manger dans la journée, généralement tu mises plus sur la flotte. Il vaut mieux bien s'hydrater. Il faut aussi lancer les goodies assez fort. Donc quand tu rentres chez toi, tu repars - non pas avec un tennis-elbow - mais avec un caravane-elbow. Des goodies, tu en jettes quasiment 1000 par jour quand même.
"Le soir, surtout au début, tu as les mains déchiquetées jusqu’aux avant-bras"
Le premier jour, je me suis fait avoir. La caravane est passée au ralenti dans un petit village. J'ai eu le malheur de tendre ma main en-dehors du véhicule. Les femmes un peu âgées avec des grosses bagues, ce sont un peu les femmes piranhas: tu tends le bras et pour un goodies à 5 centimes tu te fais arracher la main. Quand tu rentres le soir, surtout au début, tu as les mains déchiquetées jusqu’aux avant-bras, avec des grandes griffes jusqu’au sang. Tu ne peux pas mettre de manches longues, il fait trop chaud. Mais il faudrait le faire avec des gants de pêche! Après deux jours, tu ne mets plus ta main dehors. Au pire tu ne jettes pas de goodies, ou alors derrière pour qu’ils s'éloignent.
Les gens deviennent hystériques, avec le soleil et l'effet de foule. Certains au bord de la route sont quand même un peu arrangés. Il y a même des gens qui essaient de nous jeter de la pisse, ils ne font que ça de la journée. On ne nous jette pas des cailloux, mais par exemple, certains, gentiment, nous jettent des petites bouteilles d'eau mais un peu fort quand même. Et ça peut faire mal.
Après, il n’y a pas que ça. Une fois dans un petit village, j’ai une petite vieille qui est sortie de son café-PMU pour me proposer une anisette. Je lui ai fait comprendre que la journée on ne pouvait pas picoler sur la caravane. Du coup elle m'a ramené un petit Perrier. C'est un truc canon à faire. La plupart des gens ne nous jettent pas de la pisse heureusement, sinon il y aurait un souci. Les gens sont cools. Je me demande même si certains ne viennent pas plus pour voir les caravanes que le Tour en lui-même. Si je pouvais je le referais".