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L’économie selon Michel Sapin, plus personne n’y croit!

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Le ministre des Finances a présenté hier le projet de budget pour 2015. Il prévoit 21 milliards d’euros de réductions de la dépense publique mais des déficits encore très élevés. Votre parti pris: l’économie selon Michel Sapin, plus personne n’y croit! Qu’est-ce qui vous fait dire cela?

Ce n’est sûrement pas par hasard que François Hollande a confié les comptes publics à Michel Sapin, qui n’est pas un comptable, mais un normalien et un énarque – il connaît les mots et les rouages de l’Etat, donc il joue sur les deux. Alors il fait ce qu’il peut, avec deux contraintes : une conjoncture très rude, avec une panne de la croissance ; et des exigences contradictoire du président du République et du Premier ministre, qui veulent à la fois de la rigueur et du social. Ça donne un budget qui est la version comptable du mariage de la carpe et du lapin, avec des économies assez visibles pour mécontenter tout le monde mais pas assez fortes pour réduire les déficits. Autrement dit un budget qui est une addition de chiffres mais que personne ne prend à la lettre.

Ce que répète le gouvernement, c’est ce que François Hollande a dit dans sa conférence de presse : "Nous refusons l’austérité." Est-ce que ce projet de budget tient cet engagement?

Oui, mais on est tenté de dire que des économies, le gouvernement en fait trop ou pas assez. Quoi qu’ils en disent, François Hollande et Manuel Valls n’ont toujours pas choisi entre une politique qui laisserait clairement filer les déficits pendant quelques années pour financer une relance (quitte à aller au bras de fer avec l’Europe) ; et une vraie politique de rigueur, qui donnerait la priorité absolue à la réduction des déficits, à marche forcée. Ce non-choix, c’est ce qui donne cette succession de mesures inefficaces et contradictoires qui voudraient ne fâcher personne et qui mécontentent tout le monde. En fait, quand Manuel Valls dit qu’il n’y a pas d’autre politique possible, c’est simplement parce qu’il les mène toutes à la fois.

Est-ce qu’il n’y a pas, quand-même, des mesures qui vont dans le bon sens ? La baisse des dotations aux collectivités par exemple : est-ce que ça ne va pas mettre un terme à des gaspillages énormes?

Il faut l’espérer mais sans trop d’illusion. C’est vrai que le niveau de dépenses des collectivités est très excessif mais c’est pour beaucoup le résultat de transferts de compétences sociales de l’Etat. Donc si ces budgets baissent, soit les impôts locaux vont augmenter, soit les prestations vont baisser. Il est vrai aussi qu’il y a trop de fonctionnaires territoriaux mais réduire les effectifs, ça veut dire plus de chômeurs. Même raisonnement pour les réductions d’impôts annoncées : elles ne sont pas entièrement financées, donc il va falloir emprunter plus pour les compenser. Et puis il y a déjà des hausses programmées par ailleurs : taxe carbone, cotisations retraite, diesel, redevance télévision… Donc des recettes en moins, des recettes en plus – et en tout cas, pas de recette miracle.

Pendant que le gouvernement présentait son budget, François Fillon présentait ses propres solutions pour redresser l’économie française. Est-ce qu’elles sont plus réalistes que celles de Michel Sapin?

Elles sont plus cohérentes. Plus efficaces, ça reste à voir – d’autant que ce sont des mesures que François Fillon n’a pas prises quand il était Premier ministre. Ce qu’il propose, c’est de la vraie austérité : 110 milliards d’économies en 5 ans, 600 000 fonctionnaires en moins, 3,5% de TVA en plus, le retour de la retraite à 65 ans… Le problème, c’est que ces mesures n’ont d’autre sens que purement comptable et c’est ce qui fait que ces choix-là ne peuvent pas susciter plus d’adhésion que ceux du gouvernement. En France comme ailleurs, les citoyens savent faire la différence entre une politique d’économies et une politique économique.

Hervé Gattegno