L'immigration légale, nouvelle pomme de discorde de la majorité

Le dossier de l'immigration légale en France devient la nouvelle pomme de discorde au sein du gouvernement et de la majorité, avec en toile de fond le débat sur la stratégie à adopter pour la présidentielle de 2012. /Photo d'archives/REUTERS - -
par Thierry Lévêque
PARIS (Reuters) - Le dossier de l'immigration légale en France devient la nouvelle pomme de discorde au sein du gouvernement et de la majorité, avec en toile de fond le débat sur la stratégie à adopter pour la présidentielle de 2012.
Le projet de réduire l'immigration de travail et familiale, avancé par le ministre de l'Intérieur Claude Guéant dans Le Figaro Magazine de vendredi, a été remis en cause par la ministre de l'Economie Christine Lagarde et le secrétaire général du parti présidentiel, Jean-François Copé.
La France a besoin d'immigration, ont-ils estimé.
"Dans le long terme, on aura besoin de main d'oeuvre, on aura besoin d'effectifs salariés formés. En ce qui concerne l'immigration qui est légale, évidemment, il faut qu'elle soit protégée et sécurisée", a dit Christine Lagarde jeudi soir sur France 3.
Jean-François Copé a de son côté rappelé la doctrine qui était officiellement jusqu'ici celle de Nicolas Sarkozy, le souhait d'une "immigration choisie".
"En ce qui me concerne, mon point de vue est celui-là : je suis favorable à l'immigration choisie, c'est-à-dire celle qui correspond à des critères économiques, et en aucun cas à l'immigration illégale", a dit le "patron de l'UMP".
"Quand il y a des métiers, des secteurs dans lesquels nous n'avons pas été suffisamment capables de pourvoir aux offres d'emplois, dans ce cas, il est assez logique d'accueillir des immigrés", a-t-il ajouté.
UNE OPTION POLITIQUE ?
L'immigration de travail est en hausse depuis cinq ans, mais reste minoritaire, même si l'immigration familiale et l'asile politique sont en baisse, selon les chiffres officiels de l'Office français de l'immigration et de l'intégration publiés vendredi par le journal Le Parisien.
Selon ces chiffres, sur environ 200.000 étrangers "légaux", il y avait notamment en 2010 31.500 étrangers autorisés à travailler en France, presque 30% de plus qu'en 2005, 84.100 autorisés à séjourner à titre privé et familial (-10%), 8.447 réfugiés politiques (-30%) et 65.000 étudiants.
Le regroupement familial concerne essentiellement les conjoints et enfants étrangers de Français.
L'immigration de travail, c'est-à-dire surtout la régularisation de clandestins ayant un emploi déclaré en France, répond souvent aux demandes des employeurs dans des métiers non qualifiés ou très qualifiés, comme les informaticiens.
Cette régularisation a été organisée par une loi votée au début du quinquennat Sarkozy en 2007 et la pratique s'est développée après d'importants mouvements soutenus par la CGT mais aussi parfois le patronat, comme dans la restauration.
Par ailleurs, le droit à vivre avec sa famille est protégé par la Convention européenne des droits de l'homme, tandis que l'asile politique est décidé en fonction de critères légaux par des organismes administratifs.
Même si la majorité se mettait d'accord pour juger la mesure utile, les marges de manoeuvre pour réduire l'immigration légale sont donc faibles.
L'opposition de gauche estime que la déclaration de Claude Guéant s'inscrit dans la continuité de ses propos précédents présentant comme un problème l'accroissement du nombre de musulmans ou estimant que les Français avaient le sentiment de n'être plus "chez eux".
Il s'agit selon le PS d'une stratégie politique visant à séduire l'électorat d'extrême droite, au moment où le Front national effectue une percée dans les sondages, confirmée par un bon score aux cantonales.
Dans un communiqué, la présidente du FN Marine Le Pen fait la même analyse. "Chaque jour, Claude Guéant apparaît pour nous offrir un petit 'dérapage' contrôlé ou nous annoncer que, cette fois, il va essayer de se mettre au travail. Il y a quelque chose de pitoyable dans cette course électoraliste sans fin."
Edité par Yves Clarisse