La "bonne" semaine de Sarkozy sur le front judiciaire

Hervé Gattegno - Visual
On sait bien que, de tous les écueils qui peuvent barrer la route de Nicolas Sarkozy, c’est celui des affaires qui est le plus gênant. D’ailleurs c’est ce qu’observent en priorité ses adversaires (François Hollande et Marine Le Pen) et ses rivaux (Alain Juppé et François Fillon). Sur ce front, la semaine de Nicolas Sarkozy a été bonne : la Cour d’appel a suspendu l’enquête dans laquelle il est soupçonné de corruption et celle sur le prétendu financement de sa campagne de 2007 par Kadhafi avance dans un sens inattendu : de plus en plus d’éléments laissent penser que le document de Mediapart qui a lancé l’affaire serait un faux. Comme ce sont des soupçons qui sont lourds, on peut comprendre que Nicolas Sarkozy se sente plus léger…
Vous évoquez la suspension de l’instruction qui a été ordonnée cette semaine ; vous voulez dire que c’est plus qu’une simple parenthèse dans la procédure ?
C’est une parenthèse : l’enquête est suspendue le temps que la justice tranche sur la demande d’annulation de l’ensemble du dossier qui a été déposée par les avocats de Nicolas Sarkozy – ça peut prendre des mois. En tout cas, ça lui évite un feuilleton judiciaire de plus avant l’élection à l’UMP. Surtout, il faut comprendre que cette suspension est une décision rarissime : elle signifie clairement que la Cour d’appel considère que les interrogations sur la régularité de cette procédure sont très sérieuses – c’est-à-dire les fameuses écoutes téléphoniques de Nicolas Sarkozy et de son avocat, qui ont soulevé beaucoup de contestations. Donc c’est une parenthèse dans l’enquête, mais pour Nicolas Sarkozy, ça pourrait être une parenthèse enchantée.
L’autre rebondissement, c’est cette fameuse affaire libyenne : Mediapart a publié en 2012 un document écrit en arabe qui semblait indiquer que Kadhafi avait fait verser 52 millions d’euros à Nicolas Sarkozy. Ce serait donc un faux ?
Il est trop tôt pour l’affirmer mais les éléments rassemblés par les juges vont nettement dans ce sens. L’homme qui est censé avoir signé ce document (un ex-chef des services libyens) a été entendu cet été au Qatar : il affirme que sa signature est fausse. Et le texte fait état d’une réunion où aurait été décidé ce financement occulte : les vérifications de la justice prouvent que cette réunion n’a pas pu avoir lieu puisque les emplois du temps des prétendus participants (notamment Brice Hortefeux) excluent qu’ils se soient trouvés en Libye au même moment. Ce qui est capital, c’est que c’est sur la base de ce document qu’a été lancée l’enquête sur les liens Sarkozy-Kadhafi ; que c’est cette enquête qui a entraîné les fameuses écoutes et que ces écoutes ont conduit à la mise en examen de Nicolas Sarkozy. Donc maintenant, c’est tout cet enchaînement de soupçons qui pourrait s’inverser.
Vous en concluez que Nicolas Sarkozy est hors de danger sur le front judiciaire ? Il reste quand-même d’autres procédures…
Bien sûr – et même ces deux dossiers-là ne sont pas fermés. Sur la Libye, plusieurs anciens proches de Kadhafi ont dit que de l’argent aurait été versé ; mais leurs témoignages sont plutôt divergents que convergents et on n’a rien trouvé de probant. Il reste aussi l’affaire Bygmalion, qui pourrait mettre en cause le financement de sa campagne de 2012 – d’ailleurs dès son retour, des éléments de ce dossier ont surgi dans la presse. Donc il n’est pas tiré d’affaire (au propre comme au figuré). Mais les décisions et les investigations qui vont dans son sens viennent de magistrats indépendants et ce n’est pas une corporation qui adore Nicolas Sarkozy. Il avait traité les juges de « petits pois » ; aujourd’hui, pour lui, leurs décisions peuvent avoir un grand poids.