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La langue française et la grammaire sont-elles sexistes?

Il s'est fait connaître en refusant de féminiser le titre de président de séance à l'Assemblée ; elle gère le seul centre de réinsertion pour femmes battues… Julien Aubert et Marie Cervetti ont débattu ce mardi chez Jean-Jacques Bourdin de la tendance à la féminisation de la langue française.

Sus à la domination masculine dans la grammaire française ! Puisque c'est la Journée internationale des droits des femmes ce mardi 8 mars, RMC a organisé un débat autour de la langue française. Face à face, Julien Aubert, député Les Républicains du Vaucluse, et Marie Cervetti, directrice de l'association "FIT, une femme un toit", seul centre d'hébergement et de réinsertion pour les femmes victimes de violences.

Le député s'était illustré en octobre 2014 en refusant de féminiser le titre de président de l'assemblée nationale. Il avait persisté à appeler "madame le président" une présidente de séance, malgré ses injonctions à dire "madame la présidente". Refusant l'étiquette de sexiste, il avait justifié son entêtement par une lutte "pour sauvegarder la langue française".

"Plutôt que de vouloir tout féminiser, les féministes devraient commencer par se battre contre le voile dans les quartiers et le plafond de verre en entreprise", avait-il alors déclaré.

Comment on en est arrivé là ?

Galanterie oblige, c'est Marie Cervetti qui s'est exprimée la première, ce mardi chez Jean-Jacques Bourdin. "Au 17ème et 18ème siècle, c'est la règle de la proximité qui était employée couramment. On pouvait dire : 'les hommes et les femmes sont belles'. Puis, un grammairien jésuite (le père Bouhours) a décidé que quand deux gens se rencontrent, il faut que le plus noble l'emporte. Un siècle plus tard, Nicolas Beauzée, lui aussi grammairien, nous disait (en 1767) : 'le genre masculin est réputé plus noble à cause de la supériorité du mâle sur la femelle'. Donc on voit bien que quand M. Aubert se bat pour ne pas dire 'madame la présidente', il est tout à fait dans la lignée de ces gens-là. La grammaire est sexiste depuis que le père Bouhours nous a expliqué cela".

"Je suis plus sur des combats réels que des combats orthographiques"

"Madame Cervetti est une femme savante. J'ai appris quelque chose, à savoir que le moyen-âge était moins discriminant que le 18e siècle", a d'abord souri Julien Aubert. Avant de redevenir sérieux: "L'Éducation nationale dépense suffisamment de millions d'euros par an pour apprendre aux enfants l'orthographe et la grammaire, pour ne pas qu'ensuite on explique le contraire dans l'hémicycle (de l'Assemblée nationale). Il y a derrière cela des visées idéologiques et les vrais sujets ne sont pas là: les vrais sujets ce sont les femmes battues, la place des femmes en politique etc. Je suis plus sur des combats réels, que des combats orthographiques". 

Mais pour Marie Cervetti, ces deux combats sont liés :

"Le combat contre les femmes violées ou victimes des violences conjugales est très important bien sûr. Mais ces combats ne sont pas dissociés du sexisme. C'est incroyable que les petites filles se construisent en entendant que le masculin l'emporte sur le féminin".
Philippe Gril avec Jean-Jacques Bourdin