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La question nucléaire ne doit pas être une querelle de chiffres

Le Parti Pris d'Hervé Gattegno, tous les matins à 8h20 sur RMC.

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Le patron d'EDF a affirmé hier qu'une sortie du nucléaire en France coûterait 400 milliards d'euros et menacerait 1 million d'emplois. Ces estimations sont contestées par les écologistes et certains experts. Mais la question nucléaire ne doit pas être une querelle de chiffres.

Le premier argument, c'est que la controverse sur les chiffres est impossible à trancher. Il y a trop de paramètres à prendre en compte pour être aussi affirmatif que ne l'est Henri Proglio, ou, à l'inverse, les dirigeants des Verts ou du réseau Sortir du nucléaire. En citant des chiffres, chaque camp donne à son discours une apparence scientifique - alors que ce sont des opinions militantes qui s'expriment et qu'il faut prendre comme telles. L'autre argument, c'est justement que la question nucléaire est un débat de fond, qui n'induit pas que des choix économiques, mais aussi des choix de société. Donc elle ne relève pas de la controverse arithmétique, mais de la décision politique.

Mais la décision politique se fonde le plus souvent sur des données objectives. Pourquoi est-ce qu'on ne peut pas avoir de chiffres incontestables à propos du nucléaire ?

Pour une raison qui est à la fois historique et philosophique. L'industrie nucléaire est née, au départ, d'un objectif militaire qui était la fabrication de la bombe atomique. C'est ce qui fait qu'elle a toujours été marquée par la culture du secret et que les informations fiables sur le sujet sont aussi protégées que des matières radioactives. L'an dernier, Nicolas Sarkozy s'est fait remettre un rapport officiel sur l'avenir du nucléaire civil : il a été classé "secret défense" ! C'est tout sauf anecdotique. Par exemple, on ne peut pas réellement savoir combien coûtent la vérification et l'entretien des dispositifs de sécurité des centrales nucléaires. C'est pourtant un élément qui doit être pris en compte dans le calcul du coût de l'énergie nucléaire.

Est-ce qu'il y a quand même, dans ce débat passionnel, des arguments qui vous paraissent plus convaincants que d'autres ?

Oui - mais des deux côtés. D'abord, la question de l'indépendance énergétique. Même en avançant à marche forcée pour développer les énergies renouvelables, l'abandon progressif du nucléaire pose la question de nos réserves d'électricité, donc d'un risque de dépendance. Le renoncement au nucléaire pose aussi le problème de la désindustrialisation, qui est déjà préoccupant - a fortiori dans un des rares domaines où la France est très compétitive. À l'inverse, il reste la question primordiale de la sécurité. Fukushima a montré que ce qui est statistiquement improbable doit quand même être envisagé. Même des milliards d'investissements n'assureraient pas la sûreté absolue des centrales.

François Hollande refuse de céder à l'ultimatum des Verts mais promet de réduire la part du nucléaire en France. Est-ce que c'est un sujet qui va compter dans la présidentielle ?

Pas assez. La crise financière l'a relégué au second plan, alors que l'accident du Japon l'avait remis au premier plan. Or c'est un sujet majeur, qui divise plus l'opinion que la classe dirigeante. L'Allemagne et l'Italie ont décidé de fermer leurs centrales. C'est plus cohérent que de juger que le nucléaire est dangereux, mais pas assez pour s'en passer entièrement. Le programme nucléaire français était un grand choix stratégique qui a été mis en oeuvre en 40 ans. On pourrait fort bien concevoir, de la même façon, un nouveau plan énergétique pour le demi-siècle à venir. Pour cela, il faut des hommes d'État pour poser la question. Et les Français pour y répondre. C'est-à-dire un référendum.

Hervé Gattegno