La stratégie de Nicolas Sarkozy ne porte pas ses fruits

Les appels du pied de Nicolas Sarkozy aux électeurs du Front national ne lui ont pour l'instant apporté aucune lueur d'espoir dans les sondages, qui restent obstinément favorables à François Hollande neuf jours avant le second tour de la présidentielle. / - -
PARIS (Reuters) - Les appels du pied de Nicolas Sarkozy aux électeurs du Front national ne lui ont pour l'instant apporté aucune lueur d'espoir dans les sondages, qui restent obstinément favorables à François Hollande neuf jours avant le second tour de la présidentielle.
Quatre enquêtes d'opinion publiées jeudi et vendredi donnent le candidat socialiste largement vainqueur le 6 mai face au président-candidat : CSA le place à 54% des voix, BVA à 54,5%, TNS Sofres et Harris Interactive à 55%.
Nicolas Sarkozy, qui a obtenu 27,18% des voix contre 28,63% à François Hollande, a multiplié toute la semaine les tentatives de séduction des 6,4 millions d'électeurs qui ont voté pour Marine Le Pen au premier tour et qu'il refuse d'ostraciser.
"Je conteste l'idée qu'entre les uns et les autres, il y aurait une barrière infranchissable", a-t-il dit vendredi sur RTL après avoir adopté depuis une semaine un ton très offensif sur les questions d'immigration et de sécurité.
La présidente du Front national a estimé que ses sympathisants ne seraient pas dupes, d'autant plus que Nicolas Sarkozy a réaffirmé jeudi soir sur France 2 qu'il n'y aurait pas d'accord entre l'UMP et le FN lors des élections législatives.
Dans le cas où un candidat UMP ne pourrait pas se maintenir au second tour le 17 juin dans une circonscription où aurait lieu un duel PS-FN, la consigne serait donnée au cas par cas.
"A ce moment-là nous verrions la qualité du candidat socialiste cas par cas et nous déciderions à ce moment-là l'abstention ou le vote blanc", a-t-il dit.
Pour Marine Le Pen, les choses sont désormais claires.
"Ils veulent nos voix mais manifestement ils ne veulent pas (...) les gueules des électeurs marinistes", a-t-elle dit sur France Info, prévoyant que ces derniers s'en souviendraient.
VILLEPIN "EFFRAYÉ"
De fait, si Nicolas Sarkozy obtient ses meilleurs reports de voix auprès des électeurs du FN - de 47 à 53% selon les instituts - le mouvement n'est pas suffisant pour renverser la tendance et la droitisation de la campagne semble effrayer les centristes dont il a également cruellement besoin.
Les sondeurs estiment en effet que les électeurs de François Bayrou se répartissent à peu près équitablement entre le président sortant et le candidat socialiste.
"La posture très droitière (...) adoptée par le président depuis lundi pour séduire les 18% d'électeurs FN semble, une fois de plus, totalement contre-productive", estime Gaël Sliman, directeur de BVA Opinion, qui juge que les sympathisants de Marine Le Pen sont "agacés que l'on essaie de les séduire avec de si 'grosses ficelles'".
A droite, des voix de plus nombreuses s'élèvent pour critiquer la stratégie de Nicolas Sarkozy.
L'ancien Premier ministre Dominique de Villepin se dit ainsi "effrayé" par la campagne pour le second tour, jugeant que "les lignes rouges républicaines sont franchies une à une" dans "le débauchage sans vergogne des voix extrémistes".
"La dérive électoraliste qui s'est engagée est un processus incontrôlable et sans fin. Une concession en entraînera toujours une autre. Un gage à l'extrémisme toujours un plus grand encore. Une digue rompue en fera céder une autre. Halte au feu !", souligne-t-il dans une tribune publiée dans Le Monde.
HOLLANDE TRACE SA ROUTE
Sans citer Nicolas Sarkozy, il met en garde la droite contre "le poison mortel" qui la "menace" : "celui du reniement de ses valeurs, celui du sacrifice de ce qui fait notre identité".
Le député UMP Etienne Pinte a dit tout haut ce que nombre de responsables de la majorité confient en privé.
"Nous regrettons qu'on engage la stratégie du deuxième tour sur des thématiques propres au Front national et à Marine Le Pen", a-t-il déclaré à Reuters.
Pendant ce temps, François Hollande, fort de son avance dans les sondages, continue à faire campagne sur ses thèmes.
"Je n'ai pas besoin de parler comme le Front national", a-t-il dit jeudi soir sur France 2, alors que Nicolas Sarkozy est selon lui engagé dans une "course folle qui conduit les électeurs qui doutent à aller encore vers le Front national".
"Je fais en sorte que sur mes valeurs, mes principes, il y ait un vote d'adhésion", a-t-il ajouté.
Pour lui, Nicolas Sarkozy sera avant tout jugé sur son bilan économique, et en particulier sur le chômage, qui a augmenté en mars pour le onzième mois consécutif, atteignant son plus haut niveau depuis septembre 1999.
"Le président sortant avait dit qu'il serait jugé sur le taux de chômage, il le sera. Il avait promis de le ramener à 5%, il sera à 10%", a-t-il déclaré.
Yves Clarisse, édité par Gilles Trequesser