Le charbon assoupli en France: "A force d’être plus vert que vert, on en arrive à être tout noir"
Plus de charbon en France. Pour assurer l'approvisionnement électrique, très tendu cet hiver, le gouvernement a assoupli, ce dimanche, les limites d'utilisation de ses deux dernières centrales à charbon. De quoi permettre de produire plus d'électricité dans le cas où la situation énergétique se compliquerait, alors que plusieurs réacteurs nucléaires sont à l'arrêt pour des raisons de maintenance.
"Dans notre logique de transition énergétique, on se dit qu’on va aller très vite vers le renouvelable. Mais il y a des fois où il n’y a pas de vent, souligne Philippe Chalmin, économiste et professeur à Paris Dauphine, spécialiste des matières premières, dans 'Apolline Matin' ce lundi sur RMC et RMC Story. Si vous n’avez pas de nucléaire, si vous n’avez plus de gaz, vous revenez à cette horrible charbon. A force d’être plus vert que vert, on en arrive à être tout noir."
Car, en plus des centrales nucléaires à l’arrêt, la crainte d’un conflit militaire entre l’Ukraine et la Russie pèse sur la question énergétique. "Pour l’instant, les Russes ont réduit les livraisons à l’Europe occidentale, de 25% à peu près, explique Philippe Chalmin. Mais il y a toujours du gaz russe qui arrive. Imaginons le scénario noir, que les chars de Poutine envahissent l’Ukraine, les gazoducs seraient coupés. Il y aurait des pénuries. On peut importer du gaz naturel liquéfié, des Etats-Unis, du Qatar ou d’Australie, mais les prix flamberaient encore plus."
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"Quand il n’y a pas de vent, pas de soleil, il faut quand même une énergie pour produire de l’électricité"
"On n’est pas totalement dépendant (de la Russie). Mais il faut savoir qu’au niveau européen, 40% de notre approvisionnement en gaz naturel vient de Russie, ajoute l’économiste. Ce qui est considérable. Et plus vous allez vers l’est, plus la dépendance est grande. En France, on est relativement peu dépendant de la Russie parce que nous consommons moins de gaz grâce au nucléaire. Mais si vous allez vers l’Allemagne, la Hongrie, les pays des Balkans, vous avez des pays qui dépendent à plus de 75% de la Russie pour leur approvisionnement en gaz."
"Or il faut savoir que le gaz naturel joue un rôle considérable parce que nous ne voulons plus du charbon, et à raison, que nous avons donné la priorité aux énergies renouvelables, et que malheureusement elles sont intermittentes. Quand il n’y a pas de vent, pas de soleil, il faut quand même une énergie pour produire de l’électricité. Et c’est le gaz naturel, poursuit Philippe Chalmin. Aujourd’hui, il est au cœur d’un véritable choc énergétique. Dans les années 70, le pétrole était la clé de toutes les énergies et on se souvient de l’impact des deux chocs pétroliers. Le gaz n’a peut-être pas aujourd’hui la position du pétrole dans les années 70. Mais on ne se rend pas compte que le gaz naturel vaut deux fois plus cher que le pétrole. Le prix du gaz entraine le prix de l’électricité et même du pétrole." Et depuis plusieurs mois, la hausse est très forte.