Les artisans contre la loi Sapin II: "On risque de perdre notre savoir-faire à long terme"

Michel Sapin - AFP
Michel Sapin ferait-il un bon boulanger sans formation ? C'est la question que pose l'UPA (l'union professionnelle des artisans). Alors que le projet de loi Sapin II en débat ce lundi à l'Assemblée nationale, l'article 43 de cette loi fait particulièrement débat. Cet article envisage la suppression de la qualification obligatoire lorsque l'on veut devenir artisan. Concrètement, si cet article est voté, n'importe qui pourra s'improviser boulanger par exemple.
"Très réducteur"
Un message jugé dévalorisant pour les 400.000 apprentis que compte le monde de l'artisanat. Un vrai danger pour ses métiers selon l'UPA qui risque de mettre en danger la qualité des produits. Pour montrer son mécontentement, l'UPA a envoyé à six ministres une "Box Loi Sapin II" pour leur future reconversion. A l'intérieur, une fiche-métier et des outils en plastique pour leur montrer qu'être artisan ne s'improvise pas. Un sentiment partagé par Djibril Bodian, boulanger rue des Abbesses à Paris et prix de la meilleure baguette de Paris 2010 et 2015.
"Je trouve que c'est très réducteur de penser que le métier de la boulangerie c'est juste prendre de l'eau, de la farine et du sel, de les mélanger et que derrière on a tout de suite un produit, tout de suite une baguette. C'est complètement faux ! C'est nous mépriser de penser que dans nos métiers il n'y a pas de compétences particulières à avoir, s'emporte-t-il sur RMC. Il y a aussi une partie théorique à connaître".
"Chacun son métier"
Clara est apprentie dans la boulangerie de Djibril Bodian. Avec cette loi Sapin II, elle a l'impression de faire un CAP pour rien. "Je trouve que c'est assez contradictoire par rapport aux publicités pour l'apprentissage que l'on voit ces dernières semaines et qui nous disent qu'il faut se former, qu'il faut être apprenti. De l'autre côté, on nous dit qu'il n'y a pas besoin de formation pour ouvrir une entreprise". Si la qualification obligatoire disparait, cela ne sera pas sans conséquences prévient Pascal Barillon, vice-président des boulangers du Grand Paris.
"Le premier risque, c'est la sécurité alimentaire, assure-t-il. Mais il y a aussi le risque de perdre notre savoir-faire à long terme. On ne peut pas s'improviser boulanger comme cela du jour au lendemain. Chacun son métier. C'est comme si je me mettais à faire de l'électricité alors que je ne suis pas du tout électricien. Si ça prend feu le lendemain, il n'y aurait rien d'étonnant car ce n'est pas mon métier". Et d'insister: "Ce sont des métiers de passion. Si M. Sapin devient boulanger, il lui faudra un certain avant d'y arriver".